A l’occasion de l’examen de la 2ème Loi de Finance Rectificative 2019, le député Ousmane Sonko, comme à son habitude, s’est encore illustré à travers un discours exubérant pour dépeindre l’État sous les traits les plus sombres et étaler, du même coup, ses limites. Auparavant dans un long exposé, intitulé « Injustice fiscale au sommet », qu’il qualifie pompeusement de « tribune », il invite enfin à un débat de fond.
1. Son intervention sentencieuse sur la fiscalité des autoroutes à péages nous impose une petite mise à niveau, toute modestie mise à part, pour aider à mieux comprendre les mécanismes complexes qui entourent ces questions techniques. Il s’est permis d’affirmer que « l’Etat ne peut pas chercher à rentabiliser un projet financé par l’argent public. En l’espèce, les citoyens sénégalais contribuent doublement, d’abord à travers leurs impôts et taxes qui ont essentiellement financé ces autoroutes et ensuite par le payement d’une redevance instituée aux lendemains de l’Élection présidentielle, …».
Tout d’abord, il faut savoir qu’il n’est pas question ici d’« argent public » mais de ressources provenant d’un prêt pour construire les autoroutes et qui ne sera pas remboursé par l’impôt mais par le péage. Ici, comme ailleurs où de grands projets autoroutiers ont été développés, l’État a fait le choix de faire financer le réseau autoroutier par le péage plutôt que par l’impôt, par l’usager plutôt que par le contribuable. Le contribuable paye l’impôt, mais l’usager paye le péage qui est une redevance pour service rendu (cela vous le comprenez bien).
Il faut faire une nette distinction entre la notion de contribuable et d’utilisateur payeur. C’est pourquoi, quand vous affirmez que « le contribuable sénégalais paye doublement par le financement de l’infrastructure et par le versement d’une redevance», vous avez tout faux, Monsieur l’expert fiscaliste ! Tous les contribuables ne sont pas forcément des usagers, tous les usagers ne sont pas des contribuables et l’usager même s’il est contribuable ne paye pas doublement.
C’est tout le sens du concept de justice fiscale qui veut que l’usager ne paye qu’une seule fois pour le service dont il est librement demandeur. En conséquence, seuls les usagers du réseau autoroutier payent pour celui-ci, en fonction de leurs parcours, qu’ils soient nationaux ou étrangers, résidents ou non-résidents. C’est pourquoi, j’ai sursauté quand je vous ai entendu parler de « peuple usager » ! C’est complètement abusé !
L’Etat évite, fort heureusement, de faire payer à l’ensemble de la population, donc au contribuable, un service qui n’est utilisé que par certains, non par obligation mais par choix personnel ou par confort. Et d’ailleurs, une autoroute n’est payante que lorsqu’il existe un trajet alternatif gratuit.
Il est donc fiscalement plus juste de faire financer les autoroutes par le péage plutôt que par l’impôt. Monsieur Sonko, vous dénonciez « l’injustice fiscale au sommet », alors qu’…