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Pluralisme et diversité au sein l’opposition : Ma contribution au débat sur le dialogue national (Par Mamadou Diop Decroix*)

Pluralisme et diversité au sein l’opposition : Ma contribution au débat  sur le dialogue national (Par Mamadou Diop Decroix*)

“Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent”.  

Les différences d’approche au sein de l’Opposition et leur expression publique participent d’une certaine vitalité démocratique, parce qu’en politique aussi, il faut tuer l’hypocrisie colportée souvent par l’unanimisme. 

Tout le monde ne pense pas la même chose dans l’Opposition ni au sein de la coalition au Pouvoir d’ailleurs et, le peuple, ultime décideur doit, à des moments déterminés, savoir qui pense quoi parmi celles et ceux qui président ou aspirent à présider à ses destinées. Par contre, ce que l’Opposition a en commun, du moins en théorie, c’est sa volonté de s’opposer aux orientations et aux politiques publiques mises en œuvre par le Pouvoir en place. Par-delà ce trait commun, chaque parti politique digne de ce nom a sa vision, son projet de société et son programme qui doivent être confrontés aux autres visions, projets et programmes. C’est sous ce rapport que, personnellement, je comprends les publications de certains d’entre nous qui s’opposent au dialogue national et qui s’en prennent à leurs alliés qui y participent. C’est aussi à ce titre que je réagis ici aux critiques qui sont formulées par ceux-là, de façon à apporter, de mon côté, ma petite lumière sur les questions soulevées.  

Il me semble tout d’abord important d’insister sur les problèmes de forme. Un débat d’idées n’est pas un chœur de quolibets encore moins un concours de caractérisations gratuites. Il est l’expression de points de vue analytiques, argumentés et documentés pour fonder ou réfuter des thèses ou hypothèses.  

Je rappelle ensuite que ceux qui attaquent les « dialogueurs » participent pourtant au dialogue politique considéré comme un volet du dialogue national. Leurs représentants siègent en face de ceux du pôle du Pouvoir dans le cadre de la délégation des plénipotentiaires du FRN (front de résistance nationale) et discutent avec eux.  

Troisièmement : C’est un droit démocratique de prendre part à un aspect du dialogue et de ne pas prendre part aux autres aspects. A cet égard d’ailleurs, les acteurs politiques sont avantagés par rapport aux acteurs économiques comme le patronat, ou sociaux comme les organisations syndicales et paysannes, qui ne sont pas parties prenantes du dialogue politique tandis que les organisations politiques qui le désirent prennent part aux autres aspects du dialogue national. Est-il donc raisonnable d’exercer son droit à choisir dans le menu du dialogue national ce qui vous convient tout en refusant aux autres, le même droit de choix ? La politique étant par définition transversale, pourquoi devrais-je refuser au Professeur Datt de s’intéresser au débat sur l’avenir de l’École dans le cadre du dialogue national ? Devrait-on arracher le droit de la Ministre d’Etat Aïda Mbodj à prendre part au dialogue sur les enfants de la rue ou sur les violences faites aux femmes au motif que ce n’est pas le dialogue politique ? Pourquoi doit-on nier le droit de quelqu’un d’autre à s’intéresser au débat sur les ressources pétrolières et gazières dans le cadre du dialogue national ? 

Je vais plus loin : dans sa plateforme, le Front de Résistance Nationale appelle clairement, « à la mobilisation et à la lutte pour exiger l’instauration d’une véritable démocratie politique, électorale, sociale et citoyenne dans notre pays ». Je souligne ici la dimension sociale et citoyenne du combat qui justifie la présence, dans le Front, d’organisations syndicales et de mouvements citoyens. C’est précisément pour faire droit à cette exigence sociale et citoyenne, que le Front a ajouté dans sa dénomination le qualificatif « social » en devenant Front Démocratique et social [je souligne] de Résistance Nationale. C’est dire que rejeter ces autres dimensions – citoyenne et sociale – dans le combat du Front, pour ne s’en tenir qu’au volet politique et électoral revient, quelque part, non pas à trahir (ce serait excessif), mais à s’éloigner de la plateforme. Pour tomber facilement sous la critique que beaucoup de nos compatriotes font – à tort ou à raison – aux acteurs politiques. Ainsi, selon leurs pourfendeurs, ces derniers ne s’intéresseraient qu’aux élections et pas assez au sort des populations. Il me semble en conséquence qu’il y a des postures qui ne sont pas raisonnables parce qu’elles renvoient de leurs auteurs, une image d’arrogance même s’ils peuvent s’en défendre. Et c’est inacceptable ! Comment peut-on considérer ses compagnons de l’Opposition comme du gibier, en manipulant des images et des formules du genre « la question du Chef de l’opposition est un malicieux appât du pouvoir pour attirer et diviser l’opposition » ?

Tout le monde sait que cette disposition concernant le Chef de l’opposition est présente dans la Constitution depuis des années, san qu’on n’ait jamais entendu des leaders en face du Pouvoir, se disputer sur la question.  Le jour où elle viendra en discussion sur la table de l’Opposition, ladite question sera traitée et réglée avec hauteur et dignité. Penser le contraire au point de parler d’appât pour attirer et diviser l’opposition, c’est plutôt cela qui est une véritable curiosité dans la tête d’un leader de l’opposition. Je constate par ailleurs que même la situation économique est convoquée pour épingler ceux qu’ils appellent les ‘dialogueurs’. Suivons leur raisonnement exprimé en ces termes  « Macky Sall chercherait après sa politique économique désastreuse, à faire partager par son dialogue national, les mesures d’ajustement structurel devenues indispensables, et qui accroitront la souffrance des populations sénégalaises les plus démunies ». Ne s’arrêtant pas à si bon chemin, les permis pétroliers sont convoqués ainsi que toutes sortes de prétextes pour justifier leur refus du dialogue. Attitude que l’on peut leur reconnaître le droit d’adopter sauf que les arguments, qui relèvent d’une gouvernance en cours, ne sont, dans aucun pays au monde, des raisons que l’on évoque pour ne pas discuter. Un dialogue politique n’a de sens et de pertinence, que lorsque Pouvoir et Opposition achoppent sur des points clés qui affectent ou peuvent affecter la paix civile et/ou la stabilité du pays. A moins que ce ne soit des raisons dirimantes liées à une menace extérieure avérée ou une catastrophe naturelle qui l’exige. Autrement, dans une situation normale, le Gouvernement gouverne et l’Opposition s’oppose jusqu’aux élections prochaines et, en cas de défaite du Pouvoir, ceux qui gagnent changent ce qu’ils ont dénoncé par le passé. Un dialogue entre Pouvoir et Opposition doit donc être fonction des enjeux qui caractérisent la situation globale d’une part et des chances de conclure un accord d’autre part.  La situation au Venezuela me semble infiniment plus complexe que celle du Sénégal d’aujourd’hui. 

Dans ce pays d’Amérique latine déstabilisé par des troubles politiques, des centaines de milliers de gens descendent régulièrement dans la rue, les uns pour contraindre le Pouvoir en place à partir, les autres pour soutenir et conforter ce même Pouvoir. Des millions de citoyens émigrent vers d’autres pays et de très nombreuses victimes sont dénombrées. Au moment où ces lignes sont écrites, les protagonistes du drame vénézuélien sont en train de discuter en Norvège loin de leur pays, pour trouver les voies d’une paix durable au Venezuela. Naturellement, au Venezuela, les responsabilités déstabilisatrices de Donald Trump et de son administration devront être tirées au clair le moment venu. Ici au Sénégal, s’il est vrai que nous sommes fermement opposés au régime de Macky Sall, devrions-nous pour autant attendre d’en arriver à certaines situations comme celles en cours dans certains pays de la sous-région pour redécouvrir les vertus d’un dialogue qui permette d’atteindre des consensus forts pour une paix et un…


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