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Affaire Petrotim : Un pavé dans la marre de la République.

Affaire Petrotim : Un pavé dans la marre de la République.

L’attribution depuis 2012 à la société Petrotim de l’homme d’affaires roumano- australien Frank Timis des blocs gaziers de Cayar off-shore profond et Saint-Louis off-shore profond a créé dans le pays une situation de vive tension  politique qui n’a cessé de croître.
La récente diffusion par la BBC d’une vidéo insinuant la corruption du frère du président , la spoliation des ressources du pays par Frank Timis et des pratiques non orthodoxes  de British petroleum , a relancé la polémique. L’extrême sensibilité politique de cette affaire qui , d’ores et  déjà fait trembler la République , ne doit pas constituer un écran de fumée qui cache les véritables enjeux stratégiques pour la gouvernance des ressources naturelles de notre pays. Cette question pose aussi bien la problématique des schémas de contractualisation que  la nécessité d’avoir un écosystème de gouvernance qualitative et  inclusive, c’est à dire respectueux de l’environnement et intégrant toutes les catégories politique  , économique , sociale et historique. Le cas Petrotim nous offre une opportunité d’analyser tout cet écosystème afin d’identifier clairement les priorités d’actions à mener pour améliorer la gouvernance des ressources naturelles de notre pays .

1 Schémas de contractualisation et affaire Petrotim 
A/ De la typologie des contrats 
Un bref aperçu sur quelques  modèles de contrats des ressources naturelles permet de dégager une triade qui n’est pas limitative . On peut en effet distinguer :
– le contrat de service par lequel un État garde sa souveraineté entière sur ses ressources et décide de s’attacher les services d’un prestataire  (généralement un major) sur tout le processus  de recherche, de prospection et de production .  Ce modèle, plus ancien , existe dans certains  Etats arabes , asiatiques et africains  . Une telle configuration a émergé d’une trajectoire historique spécifique . Songez au mouvement de libération nationale et à la lutte pour l’indépendance dans le contexte de la guerre froide et aux nationalisations.
– le contrat de production et de partage. Le Sénégal  en donne un exemple . Il est beaucoup plus d’époque et semble trouver son explication dans les évolutions récentes de la mondialisation caractérisées par le phénomène concentrationnaire des multinationales pétrolières devenues plus fortes à contrôler  le marché et à imposer quasiment leur diktat . Le phénomène d’entente entre trusts du pétrole, en dépit de la concurrence entre eux , se développe  généralement au grand dam des pays qui veulent exploiter leurs ressources et qui n’ont ni la technologie  ni les moyens financiers nécessaires à la réalisation de leur ambition . Il existe néanmoins une échelle du partage et les Etats qui sont regardants sur leurs intérêts et qui ont d’habiles négociateurs parviennent toujours à tirer un parti raisonnable de ce genre de contrat .
– les joined ventures. Ici le statut des ressources n’est pas déterminant dans la mesure où le pays d’assiette décide de créer une ou des sociétés qui s’associent en joined ventures avec une ou des sociétés étrangères ayant déjà une expérience avérée dans ce domaine. Le choix de cette formule résulte souvent d’un manque de ressources humaines qualifiées ou même parfois d’un changement de cap à la suite d’une expérience contre-productive. Tobago et Trinidad offre l’exemple d’une gestion des ressources pétrolières fondée sur des joined ventures avec des sociétés américaines. L’expérience a permis de régler les problèmes de formation grâce à l’école américaine de Houston .
Bref . Cette typologie n’est pas exhaustive mais elle  permet simplement de mieux camper la problématique de la contractualisation en matière pétrolière. Dans tous les cas , et quelque soit le type de contrat dont il s’agit , un État ne saurait être exonéré de l’impérieuse nécessité de mener de bonnes négociations et de l’exigence absolue de sauvegarder les intérêts majeurs de son peuple. Nous avons situé le Sénégal dans le type de contrat de production et de partage . Il nous faut confronter maintenant le cas Petrotim à notre référentiel légal , en l’occurrence le code pétrolier en vigueur au moment de la concession , la loi 98-05 du 8 janvier 1998 .
B/  Le cas Petrotim : une hérésie juridique et un désastre économique 
Le code pose une  double conditionalité à remplir pour être cessionnaire d’un titre : 
– une conditionalité technique qui veut que le cessionnaire dispose de l’infrastructure et des capacités scientifiques et techniques pour faire les recherches , les explorations    et la production avec une expérience justifiée dans ce domaine et
– une conditionalité financière qui exige que le cessionnaire dispose d’une capacité financière pour faire les investissements nécessaires . 
C’est l’article 8 de la loi précitée qui exige que soient remplies ces deux conditions cumulatives . Le défaut d’ une seule de ces conditions est un motif de disqualification . 
Petrotim Ltd , créée pour les besoins de la circonstance , avec les incongruités du montage juridique de sociétés  à elle apparentées ( une fille étant née avant sa mère ) et suscitant des  préjugés  défavorables d’être conçues dans une optique d’optimisation fiscale et de surcroît  dans des paradis fiscaux , n’aurait jamais dû être, dans la rigueur des principes et du respect de la lettre et de l’esprit de la loi , attributaire du moindre bloc de nos ressources gazières . Le rapport de l’Inspection générale d’Etat qui circule dans les réseaux sociaux est clair sur  la recommandation faite  à l’autorité qui dispose du pouvoir d’attribution de ne pas approuver le contrat par décret compte tenu des nombreux manquements aux conditions légales . Il est simplement surréaliste et même ridicule de brandir l’argument selon lequel le Président de la République , premier destinataire de tout rapport de l’Ige , commandité ou non par lui , n’a pas eu connaissance , depuis sept ans , de ce rapport . Si  , par impossible , tel devait être le cas , on pourrait légitimement ne plus accorder aucun crédit à l’institution administrative . L’argument de la félonie de fonctionnaires par le recel et la divulgation de documents administratifs classifiés ne fait qu’en rajouter à la gageure et l’ouverture d’une procédure disciplinaire contre d’éventuels fauteurs , même si elle est légale , n’apparaîtra pas légitime aux yeux des citoyens dans ce contexte de violations flagrantes de plusieurs lois de la république . En effet , depuis la fausse motivation du rapport de présentation du décret qui est  imputable à l’autorité politique jusqu’au traitement fiscal des actes subséquents imputable à l’administration , on assiste à une série d’infractions à notre législation .
Pourtant , les  fautes  de commission , pour graves qu’elles soient  , auraient pu être atténuées par un retour avisé à notre ordonnancement légal pour les actes de cession subséquents avec , d’une part l’exercice du droit de préemption qui aurait permis de retrouver le bien cédé et d’autre part la taxation des transferts de titres qui ne sont que de simples actes marchands par un spéculateur rentier ; de tels actes se situant naturellement en dehors du processus pétrolier et ne pouvant aucunement entrer dans le champ des exonérations prévues par l’article 48 de la loi de 1998. On le voit bien , l’histoire de la concession des blocs gaziers de Cayar et Saint-Louis , comme tous les actes qui lui sont subséquents,  est une accumulation d’illégalités à tous les niveaux de la chaîne des acteurs , à la fois par des fautes de commission et d’abstention  gravissimes . De ce point de vue , au delà des motivations qui pourraient expliquer les actes des uns e…


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