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Les nouveaux défis et pratiques de la Finance Islamique. (Par Abdoulaye LY)

Les nouveaux défis et pratiques de la Finance Islamique. (Par Abdoulaye LY)

Depuis quelques années, le débat sur l’importance de la finance islamique s’est imposé dans la littérature économique, à la faveur notamment des leçons de la crise financière internationale. Ce mode d’allocation, resté longtemps méconnu, et dans l’ombre du marché classique des capitaux, semble désormais voué à un développement rapide, impulsé par les pays arabes et ceux d’Afrique subsaharienne.
Mais, l’avancée la plus surprenante concerne l’intérêt des grandes banques occidentales qui entendent saisir les opportunités offertes par la finance islamique pour accroitre leur taille. Quant aux régulateurs de la finance mondiale, ils s’attellent déjà à s’inspirer de ses aspects éthiques dans le cadre du processus de moralisation du système monétaire et financier international.
La finance islamique désigne le segment du marché des capitaux, dont les pratiques sont en accord avec les canons de la religion musulmane. De ce fait, elle est principalement axée sur certains principes directeurs structurés autour de la morale et de l’éthique. Le texte fondateur  qui en découle consacre explicitement l’interdiction de gains fondés sur le hasard. Au centre des dogmes de la finance islamique, figurent également la responsabilité sociale de l’investissement et l’interdiction de tout profit adossé à l’intérêt considéré comme une usure au sens conventionnel.
Globalement, la pratique financière de type islamique repose sur cinq (5) principes, à savoir :
-interdiction formelle de l’usure ou riba ;
-proscription de toute pratique adossée à l’incertitude ou spéculation (gharar et maysir) ;
-rejet de toute pratique illicite reprouvée par la religion en général (trafic, commerce d’alcool ou de drogue) ou ‘haram’
-obligation de partage des profits et des pertes (al-Ghunm bi al-Ghurm)
-adossement de tout gain à un actif tangible.
S’agissant des instruments, également définis dans le but de garantir leur conformité avec les exigences religieuses de la foi musulmane, ils sont essentiellement constitués des techniques ci-après :
-la mourabaha : contrat d’achat et de revente dans lequel la banque acquiert à un fournisseur un bien corporel à la demande de son client, le prix de revente étant fondé sur le coût plus une marge bénéficiaire ;
-le salam : contrat d’achat comportant la livraison différée des marchandises. Cette technique est utilisée surtout pour le financement de l’agriculture ;
-l’istisna : instrument de financement avant livraison et de crédit-bail utilisé pour le financement de projets à long terme ;
-le qard al-Hasan (prêt gracieux) : contrat de prêt sans intérêts généralement adossé à une sûreté ;
-l’ijara : contrat de crédit-bail par lequel une partie loue un bien pour une échéance déterminée. Le propriétaire du bien (la banque) supporte tous les risques liés à la propriété et dispose de la faculté de le revendre à un prix négociable ;
-la moucharaka : contrat de prise de participation dans lequel la banque et son client participent ensemble au financement d’un projet. Le droit de propriété est réparti en proportion de la contribution de chaque partie.
Même si les produits financiers islamiques sont destinés aux investisseurs désireux d’obéir aux lois de la Charia, les nombreux clients des banques islamiques, qui souhaitent améliorer leur patrimoine et disposer de certaines commodités, se voient proposer des produits modernes parfaitement en harmonie avec les préceptes de l’islam. Ces produits portent sur la mobilisation de fonds, l’allocation des actifs, le règlement des paiements et des opérations de change.
C’est au début des années 70 qu’il convient de situer de début de la progression de la finance islamique, sous l’effet de l’essor du secteur pétrolier, notamment dans les pays arables du Golfe persique. Dans le but d’asseoir les conditions d’une gestion interne des richesses que cette industrie a générées, nombre de dirigeants du monde arabe souhaitèrent mettre sur pied un système bancaire à la hauteur des importantes réserves engrangées par l’envolée des cours du pétrole. Toutefois, un fort courant conservateur arabe mit l’accent sur la nécessité de prendre en compte les prescriptions du Coran qui énumère l’interdiction de toute pratique financière incluant l’intérêt. Un solide consensus se dégagea parmi les oulémas et fondamentalistes pour approuver une démarche qui donna naissance à ces banques. En dépit des reserves exprimées par les pays occidentaux, qui voyaient en ces groupes un instrument susceptible de contribuer à l’éviction des grandes banques d’affaires classiques dans la captation des revenus du pétrole, le nombre d’institutions financières islamiques dans le monde n’a pas cessé d’augmenter. Les réflexions prendront un nouveau tournant avec le lancement, en 1970, au sein de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), de l’idée de créer une institution financière qui lui sera dédiée. Ainsi, naquit la Banque Islamique de Développement (BID) en 1975, qui traduit une volonté d’assurer le financement du développement des pays membres dans une perspective purement islamique. De plus, entre 1979 et 1983, des pays tels que le Soudan, le Pakistan et l’Iran vont procéder à une islamisation totale de leurs systèmes financiers.
A partir de l’année 2008, la hausse de ce secteur de la finance a connu une nette accélération, à la faveur de la sévère crise financière qui a frappé le monde. En effet, l’éclatement de cette crise, la plus importante depuis celle de 1929, a jeté les bases d’une reflexion des institutions financières internationales sur les opportunités offertes par ce segment des marchés des capitaux. Cet état de fait est accentué par les interrogations sur les axes de moralisation de la finance, devenues une préoccupation majeure des régulateurs des capitaux internationaux. Ceux-ci, considérant les vertus de la finance islamique, ont souhaité tirer profiter des larges opportunités qui en découlent en termes de stabilité financière. A cet égard, il convient de noter que grâce un mode de gouvernance soucieux de l’éthique et de la morale, les banques islamiques ont jusqu’à présent échappé aux crises financières graves, à l’exception de quelques cas peu importants (comme ceux de la Dubai Islamic Bank en 1998 et de la Ihlas Finans en Turquie en 2001). Ainsi, la commission constituée par l’ONU (Commission Stiglitz), dans le cadre de la révision du système monétaire et financier international, a t-elle recommandé de s’inspirer des principes propres à la finance islamique.
Ces progrès peuvent également être attribuables à la montée de l’Islam, particulièrement sa tendance orthodoxe, qui s’est traduite, de manière subséquente, par la forte demande du grand nombre de musulmans. En outre, cette pratique financière a pu tirer profit de la récente augmentation des ressources tirées de l’envolée des cours du pétrole qui a fait exploser la demande d’investissements acceptables dans la région du Golfe.
Concrètement, la combinaison de tous ces facteurs s’est traduite par une croissance du nombre de banques islamiques dans le monde. Ce chiffre est passé d’une (1) seule en 1975, à plus de 300 en 2010 dans plus de 75 pays. Cette hausse s’est accompagnée d’un phénomène nouveau, à savoir une meilleure répartition spatiale. Ainsi, ces établissements, initialement confinés au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est, apparaissent désormais en Europe et aux États-Unis. De ce fait, le volume total des avoirs des banques islamiques dans le monde était de 100 milliards de dollars en 2000, soit 25% de la dette extérieure à court terme des pays en développement (Banque mondiale). En 2010, les avoirs des banques islamiques avoisineraient 1.000 milliards de dollars, reflétant une progression annuelle de 15%, en moyenne, depuis dix ans.
Au sein des pays industrialisés, la finance islamique a pris un…


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