Toute vie sur terre a une fin. Mais certaines œuvres transcenderont bien des générations. Celles accomplies par Cheikh Bétio en font partie assurément.
Le cheikh est parti rejoindre son guide et ami le vénéré Cheikh Saliou Mbacké, un élu parmi les élus de Dieu. A l’annonce de sa disparition, la première chose qui passe et repasse sur nos yeux est son immense œuvre.
Une œuvre qui s’est inscrite dans la durabilité et dans la régularité donc dans la foi et la sincérité.
J’ai connu Cheikh Béthio en tant que jeune élève au lycée Gaston Berger de Kaolack à la fin des années 70. J’ai partagé le même banc avec Serigne Saliou Thioune, son fils et héritier avant de s’asseoir à côté de mon ami Amath Niang, le futur illustre président de l’ordre des pharmaciens. Assez souvent le matin, à l’heure de la récréation, je prenais en compagnie de Serigne Saliou Thioune, le petit déjeuner chez Serigne Béthio. Il n’était pas encore Cheikh. C’est en 1983 qu’il accéda à ce grade. Dans la voie tracée par Ahmadoul Khadim, on ne devient Cheikh qu’après avoir accompli des efforts surhumains et renoncé à tout. C’est ce que Béthio a fait pour devenir ce cheikh adoré.
Cheikh Béthio était chef. Il était d’abord instituteur, inspecteur de la jeunesse avant de devenir administrateur civil. Mais tout cela n’était pas important à ses yeux. Il voulait beaucoup plus et mieux. Il savait où le trouver et surtout comment le trouver. Comme l’avait écrit El Hadji Bassirou Seck, Serigne Touba a fait des cheikhs qui vivaient à côté des chefs. Les chefs voulaient être comme les cheikhs mais les cheikhs ne voulaient pas être comme les chefs. Cheikh Béthio ne voulait pas devenir ministre. Personne n’osait le lui proposer. S’il le voulait, il n’aurait jamais jeté son costume d’administrateur si précieux.
Tout le monde sait que le Cheikh a fortement marqué le magal de Touba, si cher à Serigne Touba. Son amour fou et ses actions titanesques étaient devenus si ordinaires qu’ils ne faisaient plus réfléchir. Mais tout le monde sait que le cheikh est un cas tout particulier. Rien ne se fait de grand sans grande passion disait le philosophe. Le parcours du cheikh est une grande leçon. On ne l’a jamais entendu dire du mal. Il était un grand républicain. Il n’a jamais tergiversé. Ce n’est pas pour rien qu’il drainait tout ce monde composé parfois de très hauts cadres. Tout ce monde n’est pas fou.
Je ne suis pas thiantacoune mais je pense que le cas du Cheikh mérite une plus grande attention. Bâtir et réussir ce qu’il a réussi doit inciter à réfléchir. Il n’est pas issu de la famille Macké mais personne ne peut lui dénier le fait d’être dans le cercle des plus respectés et des plus illustres cheikhs. S’il s’est fait une place aussi importante dans le mouridisme en tant que talibé, cela veut dire que la source est intarissable et que toute personne qui s’investit comme il se doit au près des vrais saints peut s’élever jusqu’à tutoyer le sommet. Pour ses faits de haut rang, il est installé dans le « pré – carré des élus de l’univers » Il aura incontestablement contribué, de façon remarquable » à la gratuité de la restauration durant le magal, l’événement le plus marquant de la vie des mourides.
On raconte que quand vous avez peu d’eau pour faire vos ablution, s’il y’a à côté de vous un chien assoiffé, n’utilisez pas cette eau à cette fin. Donnez là au chien pour se désaltérer. Par ailleurs, il se dit qu’un saint homme qui, après de longues années d’adoration de Dieu n’a eu son salut qu’au jour où, patiemment, il a laissé une mouche sucer la goutte d’encre perlée sur le bout de son écritoire. Combien de bouches le cheikh s’évertuait à nourrir avec des mets délicieux et pendant combien d’années. Il savait nourrir avec allégresse. La seule chose qu’il savait faire c’était de rendre grâce à Dieu. Quand un événement malheureux survenait dans sa vie, il esquivait des pas de danse pour rendre grâce à Dieu.
Au lendemain du verdict de la justice des hommes (un acteur de la justice parlera de verdict de l’opinion), au premier jour du mois béni de Ramadan où dit –on toutes les portes du paradis sont ouvertes pendant que toutes celles de l’enfer sont fermées, le décret divin tombe avec une coïncidence troublante. Le cheikh est rappelé par le maître du temps et des hommes à rejoindre l’au-delà. Beaucoup d’illustres cheikhs auraient acheté à prix d’or le fait d’être rappelé à Dieu en ce jour 1 du ramadan. Repose en paix Cheikh Bi. Mes sincères condoléances à mon ami Serigne Saliou Thioune.
Falilou Cissé
Conseiller en développement communautaire