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Exploitation du zircon à Diogo : Le dilemme des populations assises sur des milliards

Exploitation du zircon à Diogo : Le dilemme des populations assises sur des milliards

Avant les années 2000, le zircon était une inconnue pour la majorité des Sénégalais. Mais dans la région de Thiès et en Casamance, ce minerai, ‘’dormait’’ dans le sable. Sa découverte a laissé poindre l’espoir de lendemains qui chantent pour l’État et pour les populations. Mais après 4 années d’exploitation, celles-ci continuent de recenser leurs misères et d’étaler leur pauvreté dont elles espéraient sortir.

  
Diogo est sorti de l’ombre à l’orée du 21e siècle. Situé non loin du littoral, dans la commune de Darou Khoudoss (région de Thiès), ce village n’avait rien qui puisse retenir l’attention. Jusqu’à ce que, un jour de 2003, la Grande côte opérations S.a (Gco), une entreprise minière franco-australienne, y démarre des activités extractives. On commençait alors à parler de zircon, mais aussi d’ilménite, de rutile et de leucoxène. Mais, c’est quand les premières ‘’grosses machines’’ sont arrivées et qu’on a commencé à construire une voie de chemin de fer pour évacuer la production, qu’on s’est rendu à l’évidence. Les chiffres ont commencé à se cumuler et à créer une sorte d’euphorie. 
 
Et c’était bien avant les découvertes de gaz et de pétrole annoncées en 2014, le Sénégal commençait alors à rêver en couleurs. La Chambre des mines du Sénégal (Cmds) l’annonçait 3e producteur mondial de zircon, avec une production qui devait représenter 8% de la consommation mondiale et 25% du commerce européen Mais, après 15 ans d’activités sur le site dont l’exploitation a commencé en 2014, le zircon fait plus pleurer que rire, à Diogo. 
 
À en rire ou à en pleurer
 
À Diogo, les populations ne cachent ni leur amertume, ni leur désillusion. Premier adjoint au maire de la Commune de Darou Khoudoss, Moda Samb étale un sentiment négatif : ‘’Il était prévu que le chômage des jeunes allait être un mauvais souvenir et que les conditions de vie des populations de Diogo, Fass Boye et environs soient améliorées. Hélas… Il était aussi annoncé la construction d’un hôpital, d’un stade multifonctionnel et de routes, en plus de l’électrification des villages environnants. Autant de promesses qui faisaient rêver les populations. Mais, depuis le démarrage de ses activités, la société n’a versé la moindre redevance à cette vaste commune de Diogo. Nous n’avons pas encore de centre de santé. Le seul qui existe dans la zone est à Tivaouane. Nous avions demandé qu’il en soit construit un, entre Taïba Ndiaye, Darou Khoudoss et Mboro, précisément dans la zone de Diogo et Fass Boye’’, a-t-il dit. Des propos que le rapport de l’Itie contredit en partie en révélant un soutien de l’ordre de 501 650 francs accordé à la mairie de Darou Khoudoss, le 11 avril 2017. Il se trouve toutefois que dans cette localité, l’érection d’aucune nouvelle route n’est notée. Alors que beaucoup d’enveloppes ont été distribuées aux populations, en guise de perdiem, soutiens, subventions ou pour des constructions/réhabilitations d’infrastructure. Des montants qui se chiffrent globalement à 200 millions de francs.
 
Les emplois créés, eux, restent maigres, s’insurgent certains habitants de Diogo. Président de la commission en charge de ce secteur au niveau de la Commune de Darou Khoudoss, Ibra Fall évoque des acquis minimes. ‘’Il y a 5 ans, Gco a formé plus de 400 jeunes dans des domaines comme l’électricité, la mécanique, et dans d’autres modules comme conducteurs polyvalents. Mais, seuls près de 40 d’entre eux ont été recrutés. Au départ, les engagements de la société portaient sur 300 emplois. Aujourd’hui encore, ces jeunes non casés attendent, diplôme à la main’’, regrette-t-il. Ses parents de Diogo et lui reprochent à Gco de n’avoir ‘’pas pu construire un hôpital et subventionner le coût des traitements. Aujourd’hui, le poste de santé de Diogo prend en charge des populations de 30 villages et hameaux estimées à plus de 25 000 personnes. Chaque matin, la liste des patients à prendre en charge est bouclée dès 8 heures’’, regrette-t-il, à cause du nombre de patients qui prend d’assaut ledit poste.
 
La mine des lamentations
 
Du nombre des représentants des jeunes, Ibra Ba, président d’une association de 12 villages regroupant des agriculteurs, dit être déçu. ‘’Gco a fait moins que ce qu’on attendait d’elle sur les terres prises aux populations. Elle avait promis de réhabiliter et de réaménager les terres après l’exploitation du zircon. Mais, quand on se rend aujourd’hui sur le site où se trouvaient certains champs, l’on est attristé par l’état des lieux. Même, les arbres qui y ont été plantés peinent à croître à cause de l’état des sols. C’est donc tout le contraire de ce que Gco nous avait promis’’, s’indigne M. Ba. Mais, il est bon de signaler que ce site exploité est constitué de dunes de sable. 
 
En face de l’entrée principale du site qu’exploite Gco, les lieux passent plus pour une forteresse aux yeux des populations de Diogo et environs. À cet accès principal, deux grandes portes en grillage barrent l’entrée. Celles-ci s’ouvrent et sont refermées continuellement à cause des va-et-vient incessants des véhicules. Une entrée filtrée par les agents de sécurité. Celle-ci est distante de plus d’une centaine de mètres des bâtiments abritant, entre autres, des bureaux et la salle de restauration du personnel. Mais, ce sont des bâtiments qui sont très éloignés des sites d’exploitation des minerais et des bureaux de l’administration. Pour s’y rendre d’ailleurs, il est nécessaire de prendre l’un des véhicules de ladite société et d’emprunter une longue piste latéritique coupée tantôt par des barrières surveillées. Quant à l’accès au site d’exploitation, proprement dit, il demeure quasiment impossible. Le respect d’un certain nombre de mesures de sécurité liées au travail fait que seuls les privilégiés ou certains personnels bien équipés peuvent y accéder, ont confié des responsables de Gco, lors d’une visite de site à Diogo.

 
Baisse du niveau d’eau de la nappe phréatique
 

Sortie de l’anonymat grâce à plusieurs ressources minières dont le zircon, Darou Khoudoss n’abrite encore aucune infrastructure digne de ce nom. Aucune grande réalisation notoire provenant des retombées de l’exploitation de ces richesses minérales n’est sortie de terre. En l’absence du stade fonctionnel promis, au début, les jeunes de Diogo et environs continuent de jouer leur match dans des terrains vagues, sans tribunes ni mur de clôture. Il faut, toutefois, reconnaître que des ambulances ont été offertes et des sites de recasement, un…


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