Eh oui, la nuit est faite pour dormir !
En 2005, dans le cadre de mon mémoire de maîtrise de sociologie, j’avais choisi en premier lieu de travailler sur le thème de la mobilité interurbaine. Je fis mon projet de recherches qui, pour cette science est plus qu’une simple expression d’intentions. Le travail préparatoire de recherches mené avec une exploration du terrain et des pré-enquêtes avec les personnes cibles m’ont vite édifié sur l’ampleur de la question mais aussi sur sa technicité qui nécessite immanquablement des retouches de la part des experts de la chose.
Avec ma position d’élève stagiaire en fin de formation à l’ENA, il m’était impossible de travailler en même temps sur deux sujets de mémoire sans connexion aucune, l’un et l’autre rivalisant de technicité et d’autant d’efforts à fournir. Je dus me résigner d’attendre l’année suivante pour travailler sur un sujet non moins complexe mais plus expéditif car m’y sentant plus à l’aise : une étude comparative de comportements fiscaux.
Aujourd’hui que la récurrence des accidents routiers est devenue une préoccupation publique, partager et remettre au gout de l’heure mon avis sur la question, sans prétention aucune me paraît intéressant tant par le champ d’étude d’antan, extrapolable aux réalités présentes que par la problématique qu’elle soulève.
A ce titre, le diagnostic des faits et l’urgente application des mesures prises par l’autorité seront simultanément revus.
La question des accidents de la route est symbolique d’un gouvernement et plus généralement d’une société qui se situent toujours dans la réaction et non l’action encore moins la pro-action. Combien de personnes sont tuées brutalement par les accidents de route entre 2013 et fin 2017. Les chiffres sont effarants. Et comble du drame, comme si certains faits têtus se battent pour ne pas tomber dans l’oubli, certains de ces chocs macabres se répètent au même endroit, dans les mêmes circonstances, occasionnant des conséquences semblables. Le bilan des morts du Magal de Porokhane de 2018 est encore lourd comme pour l’an qui le précède où on avait assisté à un sinistre du genre avec une collision entre un car ndiaga ndiaye et un bus occasionnant 11 pertes en vies humaines. Pourtant, un mois plus tôt, un conseil interministériel se tenait plus précisément le 9 février 2017 sanctionné par une série de 10 mesures prises à la suite d’une autre dizaine de morts calcinés lors d’une collision entre un minibus et un camion-citerne.
La position officielle du gouvernement exprimée par son porte-parole, Monsieur Seydou GUEYE établissait un pourcentage de 80% d’accidents survenant la nuit dans le cadre de déplacements interurbains. Ce qui justifie pleinement la mesure retenue par l’actuel ministre des transports d’interdire lesdits déplacements sur l’ensemble du territoire sénégalais entre 22H et 6h du matin. Mais, s’est-on réellement posé la question de savoir ce qui justifie la prépondérance de ces accidents la nuit et non le jour, quand on sait que le trafic y est moins dense, donc logiquement avec un faible coefficient de risque.
Certainement, on a oublié que les chocs les plus meurtriers ont lieu lors des cérémonies religieuses nécessitant une forte affluence de personnes à un moment bien déterminé et à un endroit bien précis. Le constat est clair, contrairement en France, où la conduite en état d’ivresse occupe une place centrale dans les accidents routiers, au Sénégal, le comportement des conducteurs, la défectuosité de l’éclairage combinée à l’état des véhicules et des routes sont incontestablement le premier facteur en dépit des comportements irresponsables des acteurs. Pour s’en convaincre, il suffit juste de prendre pour exemple, l’autoroute à péage qui souffre dramatiquement d’un manque d’éclairage. Si une infrastructure du genre réalisée à coût de milliards et continuant à sucer du sang du contribuable est ainsi, imaginez alors ce que peut être la route de mon cher Dahra. Aussi, pendant la nuit, il y a moins de possibilités de secours et d’assistance aux accidentés, ce qui contribue tristement à augmenter la mortalité.
Loin de critiquer les mesures prises par l’autorité, en l’occurrence le Ministre des transports qui, dispose à coup sûr de plus d’éléments pour apprécier la situation. Quoiqu’il en soit, il urge de procéder à l’application immédiate de ces mesures si elles s’avèrent les bonnes pour stopper cette catastrophe. Sceptique, je me demande ce qu’il peut en être à l’occasion des grands événements religieux à l’instar du Magal ou du Gamou?
Mamadou Ndao
Inspecteur des Impôts et Domaines