Ce 31 décembre 2018, nous avons eu le courage – car il en fallait – de l’écouter dérouler son long et parfois lassant message à la Nation, un message à forte allure de discours-bilan, agrémenté de promesses alléchantes et mirobolantes, faites à deux mois de l’élection présidentielle. De bout en bout, il a insisté sur le niveau de ses réalisations, réalisations sans commune mesure, de son point de vue, avec celles qu’il a trouvées sur place au moment où il accédait à la magistrature suprême. Quoi de plus normal, serait-on tenté de lui rétorquer ? De Léopold Sédar Senghor au président-politicien, la population a augmenté, passant de trois millions environ à plus de quatorze millions aujourd’hui. Naturellement, les activités économiques qui alimentent les budgets ont, elles aussi augmenté. Pour ne pas allonger mon texte, je renvoie le lecteur au budget global du Sénégal respectivement des années 1960, 1980, 2000 et 2012. Il trouvera alors normal, très normal, que le président-politicien qui disposait pour l’année 2018 d’un budget de 3774,8 milliards de francs CFA, construise plus d’infrastructures que ses trois prédécesseurs. S’il était battu au soir du 24 février 2019 ou après un second tour en mars, son successeur ferait infiniment et rapidement mieux que lui, sans tambour ni trompette. Naturellement, s’il s’agit d’un ou d’une compatriote digne, à bien des égards, de la fonction présidentielle. Peut-être, en donnerai-je l’illustration dans une prochaine contribution.
Ce bilan que le président-politicien et son camp nous présentent donc avec autant de tintamarre, n’a rien d’exceptionnel. Il est même bien en-deçà des milliards mis à sa disposition depuis le 2 avril 2012. Il doit être notablement relativisé et je m’y suis essayé dans ma contribution du 26 décembre 2018(). SI ce tonitruant bilan faisait l’objet d’un audit sans complaisance qui mette l’accent sur la pertinence, le coût et la qualité des infrastructures, et que les résultats soient rendus publics dans toutes les langues nationales, il serait largement minoré et ferait réfléchir nombre d’électeurs et d’électrices une fois seul(e)s avec DIEU dans l’urne, le 24 février 2019. Sans doute, hésiteraient-ils alors longuement avant de prendre la lourde responsabilité de voter pour ce grand manipulateur qui, sans état d’âme, nous roule dans la farine depuis bientôt sept ans. Ils ne feraient surtout pas ce choix périlleux pour notre pays si, en plus, ils considéraient le côté moral de ce bilan. De ce point de vue, l’homme est carrément repoussant, ayant pratiquement renié sans état d’âme tous ses engagement pris avant et après le 25 mars 2012. Pour permettre au lecteur objectif d’en avoir le cœur net, je vais m’attarder sur quelques-unes de ses réponses lors de la conférence de presse à laquelle il avait convié certains journalistes après son adresse à la Nation, le 31 décembre 2018.
« Je n’ai peur de personne », avait-il notamment déclaré, en réponse à une question. Naturellement, il ne convainc personne. S’il n’avait vraiment pas peur de Khalifa Ababacar Sall, il n’aurait pas choisi, très tôt, de l’éliminer de la course à l’élection présidentielle du 24 février prochain, après avoir échoué, semble-t-il, de le dissuader de se présenter à cette élection-là. On n’a vraiment pas besoin d’être juriste pour savoir, qu’avec l’aide de la justice, il cherche manifestement à l’éliminer. Sinon, qu’est-ce qui justifie la diligence inhabituelle avec laquelle le dossier mettant en cause l’ancien Maire de Dakar a été traité, tant à son niveau qu’à ceux du Procureur de la République, du juge de première instance, de la Cour d’Appel et de la Cour suprême ? Pendant ce temps, nombre d’autres dossiers, bien plus lourds, dormaient et continuent leur profond sommeil sous son coude comme sur le bureau des magistrats chargés d’expédier cette affaire avant l’élection présidentielle. S’il n’a peur de personne, pourquoi a-t-il imposé ce parrainage objet, aujourd’hui comme hier, de toutes les suspicions ? La loi qui l’impose est manifestement partisane puisqu’elle privilégie le premier mandataire qui dépose sa liste au Conseil constitutionnel. Ce n’était un secret pour personne que la mandataire du candidat sortant serait la première. Elle n’est pas plus ponctuelle que les autres, ni plus forte quand il s’agit de se bousculer dans les rangs. Sa liste a été déposée la première, parce que telle était la volonté du Conseil constitutionnel. C’est, du moins, la forte conviction de tous les autres mandataires. En tout cas, lu xel nangu la, par ces temps de gouvernance du président-politicien.
S’il n’a peur de personne, pourquoi a-t-il catégoriquement rejeté le bulletin unique qui a pourtant pour avantages de faciliter le vote et de le rendre, partant, plus rapide. Il est surtout beaucoup moins cher que le bulletin individuel. Mais il a pour inconvénient majeur d’être trop large pour les tricheurs qui, le jour J, remettent à leurs militants et sympathisants des enveloppes contenant le bulletin de leur candidat, qu’ils glissent discrètement dans leurs poches. On devine aisément le reste du manège. Enfin, s’il n’avait réellement peur de personne, il ne ferait pas moins que ses deux prédécesseurs pour l’organisation d’une élection transparente et paisible, sur la base d’un code électoral et d’un fichier consensuels. Faute d’évincer son ministre de l’Intérieur qui a affiché publiquement sa volonté sans équivoque de le faire réélire, il devrait tout au moins l’obliger, avec ses services, de distribuer les cartes électorales à leurs ayant droits.
A propos de la demande unanime de l’opposition de nommer un ministre de l’Intérieur moins partisan que l’actuel, il répondit sans fard : « Je ne vais pas le faire et je ne vois pas pourquoi je devrais confier les élections à un autre. Je ne suis pas là pour satisfaire des désirs d’une tierce personne. » Et notre président-politicien apparemment sans mémoire, de clore ce débat en ces termes sans équivoque : « Que cela soit clair ! Tant que ce que l’on fait est clair, je ne vois pas pourquoi je changerai de chemin. (…) Le Ministre de l’Intérieur ne peut rien apporter à son président, si le peuple ne vote pas pour ce dernier. C’est un faux débat. » A un journaliste qui lui rappelait qu’en tant que candidat pour l’élection présidentielle de 2012, il avait formellement récusé le Ministre PDS Ousmane Ngom, il répondit, à la stupeur générale : « Je n’ai jamais récusé Ousmane Ngom. »
Arrêtons-nous quand même sur ces réponses sans équivoque du président-politicien ! D’abord, il prend l’opposition pour moins que rien et la réduit à ‘’une tierce personne’’. Il croit sûrement avoir atteint son objectif de départ publiquement déclaré, et qui était de « réduire l’opposition à sa plus simple expression ». Ensuite, il trouve que tant que ce qu’ils (lui et les siens) font est clair, il ne voit pas pourquoi il changera de chemin. Nous sommes donc avertis : s’il est réélu, il continuera de mettre en œuvre la même gouvernance. A bon entendeur !
Il nous prend surtout pour des demeurés puisqu’il veut nous faire croire que le Ministre de l’Intérieur ne peut rien lui apporter. Avec toute l’influence, tout le pouvoir qu’il a sur ses directions comme sur l’administration territoriale, ce Ministre de l’Intérieur ne peut donc rien pour lui ! Ce Ministre-là qui risque d’avoir de gros déboires avec la justice si son candidat est battu ! Même s’il ne pouvait rien lui apporter, il remuerait ciel et terre pour lui être utile.
Notre président-politicien a le courage de regarder ses compatriotes les yeux dans les yeux et d’affirmer qu’il n’a jamais récusé Ousmane Ngom comme membre du PDS en même temps Ministre de l’Intérieur. Ne lit-il pas la presse ? N’écoute-t-il pas les chroniques hebdomadaires de Papa Alé Niang ? Ne jette-t-il pas de temps en temps un rapide coup d’œil sur WhatsApp ? Reconnaissons-lui que son agenda ne lui laisse guère de temps…