Dans le prétoire, le scénario présenté par l’accusation semblait clair : un braquage classique, orchestré par une bande méthodique, avec une banque comme cible. Mais très vite, le procès bascule. Depuis le début de l’instruction, mardi 28 octobre 2025, un autre récit prend forme. Un récit dérangeant, où le braquage initial se double d’un deuxième vol… celui attribué aux forces censées intervenir pour sécuriser la banque.
  Au centre des débats : la disparition des 10 500 dollars saisis à l’agence Rawbank de la place Victoire. Pas une simple question technique : une affaire explosive. 
  Les trois prévenus, dont Honorine Porche, ne tremblent pas au moment de pointer du doigt les vrais bénéficiaires du butin. Selon eux, l’argent n’a pas été perdu, mais récupéré par les forces de l’ordre, précisément par les éléments des FARDC déployés sur l’opération. Honorine Porche accuse frontalement : « Les agents m’ont frappée, ils ont pris le sac avec l’argent, puis ils m’ont arrêtée. » 
Plus le procès avance, plus la ligne de défense se transforme en accusation. Ce ne serait plus un braquage suivi d’une arrestation, mais un braquage détourné par des militaires opportunistes.
Le coup de massue tombe avec la déposition de l’AC Kashama, chef de la sécurité de Rawbank au moment des faits. Sous serment, il désigne les unités en cause : « Seules la Task Force et une unité des FARDC savent où est allé l’argent. »
Autrement dit : La banque a été braquée une première fois par les assaillants, puis une deuxième fois par ceux censés protéger la banque. Une accusation lourde, qui fait vaciller la version officielle et met les FARDC au centre du scandale.
L’affaire est si trouble qu’elle a engendré une procédure judiciaire parallèle. La Cour militaire s’est saisie des sévices infligés à Honorine Porche lors de son arrestation. Pourtant, dans le prétoire civil, un détail interpelle : la victime des violences affirme ne reconnaître aucun de ses agresseurs parmi les forces de l’ordre présentes. « Je n’ai vu au procès aucun policier parmi ceux qui m’ont battue », constate-t-elle, amère.
  L’étrange répartition des charges 
  Face à la justice, tous les prévenus sont poursuivis pour « association de malfaiteurs » et « terrorisme ». Mais le ministère public a réservé une inculpation supplémentaire, et exclusive, à Honorine Porche : « vol à main armée ». Selon l’accusation, les accusés auraient formé une bande structurée dans le seul but de dévaliser la Rawbank. 
Pourtant, au fil des audiences, c’est bien le récit officiel qui semble se fissurer. L’argent a-t-il été récupéré par la banque ? A-t-il disparu dans les poches des braqueurs ? Ou, comme l’affirment les principaux suspects, a-t-il été confisqué par ceux-là mêmes chargés de le restituer ? À la place Victoire, le temple de l’argent, le procès du braquage est en train de se muer en une enquête sur la probité des uniformes.