À seulement 20 ans, Youssoupha Mbodji trace sa route avec humilité. Passé par Camberène et Pikine, le latéral gauche du Slavia Prague s’impose aujourd’hui en Europe centrale et rêve désormais de défendre les couleurs du Sénégal. Rencontre avec un jeune Lion animé par la foi, la famille et le travail.
Youssoupha Mbodj, ton doublé pour ton premier match de Ligue des Champions avec Slavia Prague contre Bodo (2-2) a marqué les esprits. Comment l’as-tu vécu ?
C’était fou. Je ne m’y attendais pas. Deux jours avant le match, le coach m’annonce que je serai titulaire. J’étais sous le choc, je n’ai pas dormi. Et quand j’ai marqué deux buts, c’était inimaginable. Mais je savais que j’étais prêt : à l’entraînement, on travaille beaucoup les projections offensives. Même un latéral comme El Malick Diouf était l’un des meilleurs buteurs du club la saison passée.
Que t’apporte ce club aujourd’hui ?
Beaucoup. Ils m’ont accueilli comme une famille. Ils me soutiennent, m’encouragent. Quand je suis arrivé, je n’avais pas d’expérience, ils m’ont encadré. Je me sens bien ici, je progresse chaque jour.
Comment définirais-tu ton style de jeu ?
Je suis un latéral gauche offensif. J’aime attaquer, centrer, marquer. J’ai toujours eu le mental et la volonté de me démarquer. En football, on apprend tous les jours, donc je continue à bosser pour m’améliorer.
Y a-t-il des joueurs que tu observes ?
Oui, tous les latéraux, surtout ceux qui ont un profil proche du mien. Je regarde aussi El Malick Diouf, pour apprendre et corriger mes défauts.
Comment gères-tu la pression et les critiques ?
Je vis seul en ce moment, donc ce n’est pas toujours facile. Mais les critiques font partie du jeu. J’en tire le positif pour avancer. Le matin des matchs, j’appelle ma mère. Sa voix me donne de la force. J’ai mes frères et mes amis aussi, qui m’appellent la veille pour me booster. Ma famille joue un grand rôle sur ma motivation. Je n’ai pas beaucoup d’amis, mais j’ai ma famille. Même avec le décalage horaire, ils prennent des nouvelles. Ça me fait du bien.
Que représente le Sénégal pour toi ?
Tout. C’est là-bas que j’ai grandi, que j’ai appris la vie. L’ambiance, les amis, la famille, tout me manque. J’espère un jour porter le maillot national.
Tu rêves de jouer pour les Lions. Qu’est-ce que cela représenterait ?
C’est un rêve d’enfance. Porter le maillot du Sénégal, mouiller le maillot, se battre pour le pays… Quand on a gagné la CAN, j’étais à l’aéroport, j’ai peint le quartier aux couleurs du drapeau. Si un jour on m’appelle, ce sera une immense fierté. Mais pour mériter la sélection, il faut performer, être constant. La concurrence est rude. L’équipe nationale du Sénégal, c’est du très haut niveau. Il faut faire des choses extraordinaires pour attirer le regard du staff.
Et si le sélectionneur t’appelait demain ?
Ce serait le plus beau jour de ma vie. Je ne sais même pas comment je réagirais. J’en rêve depuis toujours.
As-tu déjà échangé avec des internationaux ?
Oui, surtout Abdallah Sima. On s’appelle souvent, il me conseille sur la vie ici et sur le football tchèque. C’est un grand frère pour moi.
Youssoupha, comment le football est-il entré dans ta vie ?
Au début, on était tous des élèves. Mes parents tenaient à ce que j’aie le Bac, comme mes frères. J’alternais donc entre les études et le sport. Je faisais sport-études : entraînement les mercredis soir, samedis et dimanches. Dans le quartier, on avait des grands frères qui jouaient en Ligue 1, comme Wally Faye de TFC. On les admirait. C’est venu naturellement : on a grandi avec la passion et la motivation. J’ai commencé aux cadets de l’ASPA, mais c’était difficile au début. Ma mère voulait que j’arrête pour me concentrer sur l’école. C’est mon père qui l’a convaincue de me soutenir. Il nous a toujours encouragés à suivre nos rêves.
Quel souvenir d’enfance te revient autour du ballon ?
Je me rappelle d’une finale de tournoi au quartier. On est allés jusqu’aux tirs au but et j’ai raté le mien. Ça me fait encore mal quand j’y pense.
À quel moment as-tu su que tu pouvais en faire ton métier ?
Quand j’ai vu Abdallah Sima signer au Slavia Prague. On vient du même quartier. Quand il est revenu en vacances à Dakar, il m’a vraiment motivé. Je me suis dit : “Moi aussi, je peux devenir pro.” On s’appelle souvent, il me conseille sur le championnat et le club. Ses mots m’ont beaucoup aidé.
Raconte-nous tes années de formation et ton départ pour l’Europe.
Je n’ai pas fait beaucoup de clubs au Sénégal. J’ai commencé en navétane dans mon quartier, avant qu’un grand frère, Libasse, ne me fasse rejoindre son centre à Camberène. Ensuite, un coach m’a emmené à l’AS Pikine. J’y ai signé, mais je n’ai pas joué. C’est là que j’ai rencontré mon agent. Il m’a dit : “Tu es jeune, tu dois aller plus loin.” Il m’a emmené à la PSG Academy Dakar le 8 mars 2024. Après quelques mois, je suis parti en Europe. J’ai d’abord rejoint Vysočina Jihlava en deuxième division tchèque. C’était l’hiver, il neigeait, je ne connaissais rien… Et à 24h de ma signature, la fédération tchèque a sanctionné le club, interdisant tout transfert. J’étais dévasté. J’ai continué à m’entraîner, même pendant le Ramadan. Puis, en juillet, j’ai enfin signé. Après quelques bons matchs, des clubs de première division se sont intéressés à moi. J’ai choisi le Slavia Prague, naturellement — Des Sénégalais comme El Hadji Malick Diouf et Abdallah Sima sont passés par là.
Comment s’est passée ton adaptation ?
La langue, c’était la première difficulté. Ici, on parle tchèque et anglais. Je ne maîtrisais pas du tout l’anglais, mais je prends des cours. Maintenant, ça va mieux. Je m’habitue aussi au climat et à la nourriture.
Source : Dsports