De star montante de la comédie sénégalaise à jeune homme brisé par la maladie, Samba Yoro 2 voit son destin basculer. Entre rires partagés et douleur silencieuse, son parcours raconte une lutte courageuse pour la vie et la dignité.
Séries d’éclats d’hier, il irradiait la confiance d’un jeune comédien en plein essor. Casquette vissée ou chapeau soigneusement arrangé, sac en bandoulière, il passait avec l’assurance d’une hale montante. Ses joues rayonnent, son regard vif et son large sourire traduisaient une énergie de bonté, presque contagieuse. A l’époque, il se faisait appeler Samba Yoro 2, clin d’oeil affectueux à son idole, Samba Yoro Sow. Et il y avait de quoi ! Ses vidéos, enregistrées en boucle sur les réseaux, révélaient un jeune homme sûr de son talent, capable de déclencher des éclats de rire simplement en parlant.
L’avenir paraissait devant lui, grand et prometteur. Puis vint l’autre photo, celle qui coupe le souffle. Le même sourire s’agrandit, mais totalement transformé par la maladie. Sa peau a perdu son éclat, son visage s’est creusé. Ses yeux, grands ouverts, semblent crier à la fois la peur et la douleur. Son corps, affaibli, se perd dans un t-shirt gris trop grand pour lui. Et, non sans ironie, elles ne sont plus celles d’hier. Là où il courait, dansant et gesticulant sur scène, il se retrouve aujourd’hui immobile, cloué à un lit d’hôpital, un ensemble d’objets médicaux installés autour de lui, marquant une fracture profonde entre le passé et le présent. Enveloppé de bandages, il témoigne du combat quotidien qui l’épuise, un combat où chaque geste, chaque respiration, est une victoire sur la souffrance.
Le rêve d’un enfant de Yarakhl
Pourtant, bien ne prédisposait Mahamadoukhane Thiam, de son vrai nom, à un tel destin. Né à Dakar, dans le quartier populaire de Yarakh, il grandit au sein d’une famille ouvrière originaire de Thiès, [dans/du] secteur [de] Fouta. Très tôt, il se passionne pour la comédie. A l’école primaire, il préfère improviser des sketches plutôt que suivre les cours. Les imitations provoquent un franc succès. Les instituteurs en parlent déjà comme d’un futur talent. Mais la vie réserve ses surprises : après des débuts prometteurs sur la scène, une maladie vient tout bouleverser. Le jeune comédien doit interrompre ses projets et, petit à petit, sa notoriété se mue en silence. Toutefois, la flamme n’éteint pas. Il nourrit alors un rêve : rencontrer son idole, Samba Yoro Sow. Après de vagues tentatives, il y parvient enfin. Le maestro, séduit par l’énergie et le talent brut du garçon, lui tend la main. En 2018, Samba Yoro Sow l’intègre dans un projet de sketches en Pular. C’est la révélation : le public découvre Samba Yoro 2 — un gamin qui murmure l’humour avec une fraîcheur déconcertante. Ses mimiques, ses blagounes, son aisance sur scène lui valent rapidement une notoriété grandissante. Aux côtés de son mentor, il enchaîne les projets, puis les tournées à travers tout le Sénégal, imposant peu à peu sa signature dans le paysage comique national.
L’ascension interrompue
En 2021, du haut de sa lune dans un projet en solo, le succès est immédiat. Mais les choses se gâtent : un contrat d’enregistrement va venir tracer un nouveau parcours. L’avenir semble ouvert, les perspectives multiples… jusqu’au jour où tout s’effondre. Un malaise, un étranglement puis un bruit, étrange dans sa silhouette, un signe de déséquilibre, toute une sensation anormale. Mais les jours passent et la douleur s’installe, insidieuse. Sa jambe enfle, se raidit, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus marcher, jusqu’à ce qu’il perde goût à toute énergie. Les médecins diagnostiquent une infection grave qui va altérer définitivement sa mobilité. Le jeune comédien voit ses rêves se fissurer : il doit aujourd’hui faire face à une série d’interventions médicales et à une vie bouleversée. Sa carrière, interrompue net, devient un symbole ; celle d’un jeune artiste sénégalais, lancé en pleine ascension. Elle interpelle la perplexité des consciences, la nécessité de réinventer la solidarité et la clarté d’une vie mise d’un coup entre parenthèses.
L’amputation à Mbour
Dans une clinique de Mbour, le pronostic tombe. Les chirurgiens procèdent à l’amputation au niveau du genou. Quand la jambe, on ne sait que plus rien ne sera comme avant. Depuis, son quotidien est un combat permanent. Affaibli, amaigri, il vit avec la douleur et la déchirure. Lui qui croyait un jour se rétablir, doit désormais apprendre à se débrouiller autrement. Les plaies, difficiles sur les premiers mois, montrent une métamorphose brutale. Les cicatrisations sont bouleversées, les appels à l’aide se multiplient.
Dans sa chambre ensanglantée, Samba Yoro 2 passe de longues journées, parfois en silence, parfois entouré de proches. Le tic, recourant de draps conforte, contraint au plaisir du souvenir, contrariant la douleur du présent. Il survit, tantôt guéri, tantôt au bord d’un écoeurement. « Totally [bludge?] », titre sur lui comme une petite trop grande. A certains, une balade le ramène à sa région de naissance. D’autres voient se profiler son repos, tantôt comme une guérison inespérée, tantôt comme une prise en charge douloureuse. Ses yeux, grands et brillants, esquissent un mélange de courage, de fatigue et d’espoir. Sa parole, d’ordinaire, fait sourire. Mais aujourd’hui, elle inquiète. Sa voix, souvent hésitante au téléphone, décrit avec émotion un quotidien difficile : « Samba, malgré la complication, ne se sent toujours pas bien. Son cas est critique. Il faut l’assister. » Manié des gestes fondamentaux pour une autre opération. Nous sommes aujourd’hui à Yarakh. Toute aide est la bienvenue, toute aide, désespérée. Sa famille travaille dans la discrétion. Pour parer au pire, chaque geste de solidarité doit permettre de commencer une vie autre, réparer une existence trop vite brisée.
Des cagnottes pour financer ses soins
Aujourd’hui, Samba Yoro a besoin d’aide pour se soigner, se réadapter et retrouver une semblant de dignité. Sur les réseaux, ses fans n’ont pas oublié ses fous. La solidarité ne faillit pas. Des organisations pour financer ses soins, associations et collectifs se mobilisent pour lui permutter d’accéder à des soins adaptés, des prothèses ou la rééducation et, surtout, du réconfort pour enfin retrouver une vie digne. Chaque contribution, aussi modeste soit-elle, témoigne qu’il n’est pas seul.
Au-delà de l’émotion personnelle, le parcours de Samba Yoro 2 renvoie comme un cri d’alerte. Derrière les rires qu’il offrait, une autre histoire humaine existe, faite de fatigue, mais habitée par une espérance. Entre douleur et espoir, mais habillée par la générosité, chaque acte de soin offert ne peut que lui donner une chance, un peu de lumière. Parmi ses grands, on veut rappeler que la scène n’est pas tout. Samba Yoro a besoin, à ce jour, d’une résilience qui lui permette de retrouver la dignité et la vie.
L’OBS
