Alors que l’Union européenne peine à afficher des performances économiques solides, l’Espagne se distingue par des résultats largement supérieurs à la moyenne. En 2025, le pays prévoit une croissance du PIB de 2,6 %, contre seulement 0,9 % pour l’Union européenne et 0,6 % pour la France. Dans le même temps, le chômage recule et le PIB par habitant a progressé de 16,4 % en cinq ans.
Une dynamique portée par une orientation économique assumée : des politiques budgétaires expansionnistes et des réformes sociales qui tranchent avec les recettes d’austérité préconisées par Bruxelles. Ignacio Álvarez Peralta, professeur d’économie à l’Université autonome de Madrid et ancien secrétaire d’État aux Droits sociaux (2020-2023), revient sur les ressorts de ce succès.
« À partir de 2020, avec l’arrivée du gouvernement de coalition, un changement clair s’est opéré », explique Ignacio Álvarez. Selon lui, l’Espagne a mis fin à une décennie de stagnation héritée de la crise de 2008, marquée par l’austérité et la dévaluation salariale.
Le pays a opté pour une expansion keynésienne : hausse du salaire minimum (+60 % en cinq ans, passant de 736 à près de 1 200 euros), réforme du travail en 2021 transformant 1,5 million de contrats temporaires en CDI, et mise en place de dispositifs de soutien aux ménages modestes.
Ces choix ont alimenté une croissance soutenue, portée par la demande intérieure. « Durant ces cinq dernières années, l’Espagne a créé un emploi sur quatre dans l’Union européenne », souligne Álvarez.
  La demande privée comme moteur 
  Contrairement aux idées reçues, la croissance espagnole ne reposerait pas uniquement sur le tourisme et la démographie. Si le secteur touristique reste essentiel, c’est bien la consommation privée qui s’est imposée comme principal moteur : elle a contribué en moyenne pour 2,3 points à une croissance annuelle de 4,4 % entre 2021 et 2025. 
La consommation publique, les exportations et l’investissement privé complètent ce dynamisme, mais de manière plus marginale. « La hausse du revenu réel des ménages et la forte progression de l’emploi expliquent cette expansion de la demande », précise l’économiste.
  Immigration et croissance : un cercle vertueux 
  Autre facteur souvent évoqué : l’immigration. Ignacio Álvarez nuance : « L’immigration arrive lorsque le marché du travail est en expansion. Ce n’est pas elle qui crée la croissance, mais la croissance qui attire la main-d’œuvre étrangère. » 
Ainsi, la vigueur de l’économie espagnole serait avant tout le produit des réformes économiques et sociales impulsées par le gouvernement de Pedro Sánchez depuis 2020, plutôt qu’une conséquence mécanique de facteurs exogènes.
  Une trajectoire politique assumée 
  Depuis 2018, Pedro Sánchez dirige l’Espagne avec une coalition orientée à gauche, d’abord avec Unidas Podemos puis, depuis 2023, avec Sumar. Le pari de cette alliance : tourner la page de l’austérité et miser sur l’investissement social comme levier de croissance. 
Un choix qui semble aujourd’hui porter ses fruits. Reste à savoir si cette trajectoire pourra se maintenir dans un contexte international incertain et face aux réticences de Bruxelles.
     
 
   
   
                