Le secteur du Bâtiment et des Travaux Publics (BTP) sénégalais vacille dangereusement. Derrière les grues immobiles et les chantiers désertés, ce sont des milliers de familles qui ploient sous le poids d’impayés et de promesses non tenues. Les grandes firmes, naguère moteurs de l’économie, se retrouvent étranglées par une dette publique de près de 250 milliards de FCFA, dont certaines remontent à plus de vingt ans.
Chez CDE (Consortium d’entreprises), symbole de cette descente aux enfers, les salariés n’ont pas touché de salaire depuis cinq mois. L’effectif est passé de 2 000 employés en 2023 à seulement 900 aujourd’hui. Souleymane Abdoulaye Demba, magasinier, livre un témoignage glaçant : « C’est plus que catastrophique, car on va vers la rentrée des classes. On peut se serrer la ceinture, mais voir nos enfants ne pas aller à l’école, là, c’est la catastrophe. »
Le cas de CDE n’est pas isolé. Partout, les entreprises du BTP souffrent, étranglées par les audits gouvernementaux qui retardent la relance des chantiers. Oumar Ndir, président d’un syndicat des entrepreneurs du secteur, tire la sonnette d’alarme : « Le secteur du BTP au Sénégal, c’est entre 500 à 600 000 emplois qualifiés, non qualifiés et indirects. Donc le BTP ce n’est pas que des maçons, des ferrailleurs, des menuisiers, etc. C’est toute une chaîne de valeur qui est au chômage tout simplement, car il n’y a pas d’activité. »
Les chiffres officiels confirment l’ampleur de la crise. Selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), le chiffre d’affaires de la construction a chuté de 19,6 % en un an. Un effondrement pour un secteur qui représente plus de 4 % du PIB national.
Début août, lors de la présentation du Plan de redressement économique et social (PRES), le Premier ministre Ousmane Sonko s’était engagé à « régler l’ensemble de ces dettes au nom de la continuité de l’État ». Mais les entreprises, elles, attendent toujours des actes. En attendant, l’intersyndicale de CDE alerte sur « plus de 2 000 emplois menacés », appelant à une intervention urgente pour éviter une explosion sociale.