À Khar Yalla, quartier populaire de Dakar, la tension est à son comble. Vingt-deux familles vivant sur une assiette foncière de 7 322 m² (TF 1902/NGA ex 3645/DG) se retrouvent aujourd’hui sous la menace d’expulsion et de démolition. Ces habitants, installés depuis plus de 53 ans, affirment avoir acquis légalement leurs parcelles auprès de feu Babacar Mbaye, qui avait morcelé le terrain et vendu chaque lot avec un numéro et un nom d’ayant droit. Mais l’histoire prend une tournure dramatique : le vendeur n’avait en réalité jamais levé l’hypothèque sur le terrain, contractée auprès d’un couple européen parti en Europe. Résultat : une vente inachevée qui plonge aujourd’hui tout un quartier dans l’incertitude.
En 2022, les héritiers de Babacar Mbaye réapparaissent et réclament le terrain, arguant que leur père n’avait pas finalisé la transaction initiale. D’abord bien accueillis par les habitants, ils se retournent ensuite contre eux, les assignant en expulsion et démolition. Le choc a été brutal : la veille du Gamou, un huissier, escorté, a signifié à un habitant — le commissaire central Mamoudou Tendeng — qu’il devait quitter sa maison immédiatement. Une provocation qui a failli embraser le quartier. Mais la justice des référés s’est déclarée incompétente et a renvoyé l’affaire au tribunal du fond pour une perfection de vente, confirmant que l’expulsion était pour l’instant bloquée.
Sur le terrain, la situation est explosive. Les habitants, dont certains vieux de plus de 90 ans, jurent qu’ils ne quitteront jamais leurs maisons : « Nous avons acheté notre linceul, on passera sur nos corps pour prendre nos maisons », martèlent-ils. Les jeunes, nombreux à travailler ou partis à Ndiassane, laissent une population fragilisée face à une menace qui plane chaque jour. Le climat est si tendu que même les huissiers craignent d’entrer dans le quartier, obligés d’être escortés par le président du collectif, Mory Tamsi Touré, pour éviter des débordements.
Au-delà du litige, les habitants dénoncent aussi un danger de mort : les dalles des maisons, vieilles de 53 ans, s’effondrent peu à peu, mettant en péril les familles et même l’église du quartier, aujourd’hui désaffectée. Malgré les alertes lancées à l’urbanisme, au préfet, au maire et à la DESCOS, les autorités bloquent toute réfection en invoquant le litige foncier. Le collectif des habitants pointe une responsabilité écrasante de l’État : « Si un accident survient, ce sera sur leur conscience. Nous ne demandons qu’une chose : parfaire la vente, lire le droit, et nous laisser vivre en paix dans un quartier qui souffre depuis trop longtemps. »