Senejournal - Toute l'actualité du Sénégal
Toute l'actualité du Sénégal

Sénégal : une croissance record de 12,1% qui cache une économie à deux vitesses ( Par ​Seydou sow – Economiste Financier & Analyste Quantitatif )

Sénégal : une croissance record de 12,1% qui cache une économie à deux vitesses ( Par ​Seydou sow – Economiste Financier & Analyste Quantitatif )

Le premier trimestre 2025 révèle un paradoxe économique majeur : tandis que les hydrocarbures propulsent la croissance à des niveaux historiques, le reste de l’économie peine à suivre le rythme. Par Seydou Sow – Economiste Financier & Analyste Quantitatif


Avec une croissance de 12,1% au premier trimestre 2025, le Sénégal affiche l’une des performances économiques les plus spectaculaires de son histoire. Derrière ce chiffre qui fait rêver plus d’un pays africain se cache pourtant une réalité plus contrastée : celle d’une économie profondément duale, où quelques secteurs tirent l’ensemble vers le haut tandis que d’autres stagnent ou reculent.

Le pétrole change la donne

L’explication de cette envolée tient en un mot : hydrocarbures. Le secteur du raffinement et de la cokéfaction bondit de 28,5%, confirmant que le Sénégal est bel et bien entré dans une nouvelle ère économique. Cette transformation se ressent immédiatement sur les exportations, qui explosent littéralement avec une hausse de 81,3%.
L’agriculture, autre pilier traditionnel de l’économie sénégalaise, joue également son rôle avec une progression honorable de 8%. Ensemble, ces deux secteurs portent l’essentiel de la croissance nationale.

Le revers de la médaille

Mais c’est là que le bât blesse. Sortis de ces secteurs moteurs, l’économie sénégalaise montre des signes d’essoufflement préoccupants. Le PIB hors hydrocarbures ne progresse que de 3,2%. Pire encore : en excluant également l’agriculture, la croissance tombe à seulement 2,7%.
Cette réalité se traduit concrètement sur le terrain. L’industrie manufacturière stagne à -0,1%, témoignant des difficultés persistantes du secteur secondaire. Plus dramatique encore, la construction s’effondre de -8,3%, reflétant l’arrêt de nombreux chantiers dans un contexte de contraintes budgétaires.

Les leçons du passé récent

Pour comprendre l’ampleur du défi, il faut replacer cette performance dans son contexte. En 2023, le PIB s’établissait à 4 455,4 milliards de FCFA, marquant une reprise timide après les turbulences de 2022. L’année 2024 avait vu une contraction à 4 293,5 milliards, conséquence directe de l’instabilité politique liée aux élections et au changement de régime.
Le bond à 4 806 milliards de FCFA en 2025 illustre certes la capacité de rebond de l’économie, mais aussi sa volatilité face aux chocs politiques et sa dépendance croissante aux ressources extractives.

Une demande intérieure qui peine

Du côté de la demande, les signaux sont mitigés. Si les exportations tirent la croissance, la consommation des ménages et de l’État ne progresse que modestement (3,4%). Plus inquiétant, la formation brute de capital investissement recule de -9,8%, trahissant une prudence des investisseurs privés qui pourrait hypothéquer l’avenir.

Le défi de l’inclusion

Cette dualité économique pose des questions fondamentales sur la durabilité du modèle de développement sénégalais. Comment s’assurer que cette manne pétrolière profite à l’ensemble de la population ? Comment éviter le syndrome hollandais qui pourrait affaiblir la compétitivité des autres secteurs ?
Les experts s’accordent sur plusieurs priorités : diversifier l’économie au-delà des hydrocarbures, soutenir les secteurs en difficulté comme le BTP, investir massivement dans la formation et l’éducation, et renforcer la gouvernance économique.
Un tournant décisif
L’enjeu dépasse la simple performance macroéconomique. Il s’agit de déterminer si le Sénégal saura transformer cette aubaine temporaire en fondations solides pour un développement durable et équitable.
Alors que le pays célèbre ces chiffres record, la vraie mesure du succès se trouvera dans sa capacité à faire rayonner cette prospérité bien au-delà des puits de pétrole et des champs agricoles. L’avenir économique du Sénégal se joue maintenant

Seydou sow – Economiste Financier & Analyste Quantitatif

Seydou20.sow@ucad.edu.sn 


Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *