Le gouvernement sénégalais vient de présenter son plan budgétaire pour les trois prochaines années (2026-2028). Ce document, appelé DPBEP, fixe les grandes orientations financières du pays. Mais entre les promesses sur le papier et la réalité du terrain, l’écart est-il gérable ?
Le Sénégal prévoit de collecter 16 639 milliards de francs CFA de recettes sur trois ans, tout en dépensant 19 364 milliards. L’objectif ? Investir massivement pour faire décoller l’économie. Les recettes augmenteraient rapidement, passant de 5 057 milliards en 2026 à 6 021 milliards en 2028, soit une hausse de 19% en trois ans. Cette progression s’appuie sur deux piliers : faire payer plus d’impôts aux entreprises et citoyens, et exploiter les ressources pétrolières et gazières du pays. Du côté des dépenses, la progression sera plus modérée avec une augmentation de 10% sur trois ans, mais avec une priorité claire : l’investissement public passera de 36% des dépenses en 2026 à 40% en 2028.
Le déficit budgétaire, c’est-à-dire la différence entre ce que l’État dépense et ce qu’il gagne, devrait diminuer progressivement. Il passerait de 5% du PIB en 2026 à 3% en 2028. La dette publique suivrait la même tendance positive, tombant de 65% du PIB en 2026 à 60% en 2028. Ces chiffres permettraient au Sénégal de respecter les règles fixées par l’Union monétaire ouestafricaine et donneraient une image de finances publiques maîtrisées.
Cependant, les résultats de 2025 montrent un décalage inquiétant entre les objectifs et la réalité. À mi-parcours 2025, le Sénégal n’avait collecté que 2 226 milliards FCFA de recettes, soit moins de la moitié de l’objectif annuel. Pire encore, les dons des partenaires internationaux ne représentaient que 8% des prévisions, obligeant l’État à se financer massivement sur les marchés financiers. L’investissement public pose aussi question : alors que le gouvernement veut porter ce poste à 40% des dépenses d’ici 2028, il ne représentait que 30% au premier semestre 2025. Les projets peinent visiblement à se concrétiser sur le terrain.
Pour que ces projections ambitieuses deviennent réalité, le Sénégal doit résoudre plusieurs équations complexes. D’abord, collecter plus d’impôts en atteignant 20% de pression fiscale d’ici 2029 suppose de mieux contrôler l’économie informelle, de digitaliser l’administration fiscale et de restaurer la confiance entre l’État et les citoyens. Ensuite, il faut investir mieux et pas seulement plus : augmenter les investissements publics c’est bien, mais il faut aussi mieux choisir les projets selon leur impact économique et social, améliorer le suivi entre institutions et réduire les délais de réalisation. Enfin, même si le ratio dette sur PIB baisse dans les projections, c’est surtout parce que l’économie grandit plus vite que la dette elle-même. Le vrai défi reste de s’assurer que chaque franc emprunté serve à financer des projets rentables qui généreront des recettes futures.
Le plan budgétaire 2026-2028 du Sénégal n’est pas irréaliste, mais il reste très ambitieux. Sa réussite dépendra de la capacité du gouvernement à moderniser rapidement l’administration fiscale, à mieux contrôler les dépenses courantes comme les salaires et subventions, à améliorer l’exécution des projets d’investissement et à maintenir la discipline budgétaire. Au final, ce ne sont pas les chiffres sur le papier qui comptent, mais la capacité à les transformer en routes, hôpitaux, écoles et emplois pour les Sénégalais. C’est là que se jouera la crédibilité de cette stratégie budgétaire et l’avenir économique du pays.
Cet article s’appuie sur l’analyse du Document de Programmation Budgétaire et Économique Pluriannuelle (DPBEP) 2026-2028 du ministère des Finances et du Budget du Sénégal.
Seydou sow
Economiste Financier et Analyste Quantitatif
Seydou20.sow@ucad.edu.sn