Le nom du général de brigade Abass Dembélé résonne aujourd’hui au cœur d’une affaire explosive au Mali. Présenté par les autorités de la Transition comme le cerveau d’une tentative de déstabilisation des institutions, cet officier supérieur, jadis salué comme l’un des visages les plus respectés de l’armée malienne, se retrouve dans la tourmente.
Ancien gouverneur de la région stratégique de Mopti, poste dont il a été récemment démis par la junte, Abass Dembélé s’est forgé une solide réputation au fil d’une carrière marquée par des opérations militaires cruciales. Fils du colonel Koké Dembélé, ancien chef d’état-major de l’Armée de terre (1982-1986) et grand chancelier de l’Ordre national du Mali, il a été formé en France et aux États-Unis, notamment en contre-terrorisme.
En 2012, alors commandant, il dirige le 61ᵉ régiment d’infanterie de Sévaré. Après la défaite face à la rébellion touarègue et la perte de Gao, il est choisi par le colonel-major Didier Dacko pour prendre la tête du groupement des commandos volontaires, une unité spéciale composée des soldats les plus déterminés. Cette formation joue un rôle déterminant lors de la bataille de Konna, en janvier 2013. Blessé au combat, Abass Dembélé reste néanmoins sur la ligne de front, incarnant l’image du chef courageux.
L’homme des missions délicates
Promu lieutenant-colonel, il est chargé en novembre 2013 de l’arrestation du général Amadou Haya Sanogo, ex-chef de la junte de 2012. En février 2014, il est fait chevalier de l’Ordre national du Mali à titre exceptionnel. Diplômé en 2015 de l’École de guerre en France, il prend ensuite la direction de l’École d’État-Major nationale de Koulikoro, avant de commander la 5ᵉ région militaire de Tombouctou à partir de 2017.
En janvier 2020, il rejoint l’équipe du Haut représentant du chef de l’État pour le centre du Mali, dirigée par l’ancien président Dioncounda Traoré, avec pour mission de contribuer à la pacification d’une région minée par les violences.
Des liens sensibles et une arrestation retentissante
Proche du ministre de la Défense, le général Sadio Camara – figure centrale de l’actuelle junte et issu comme lui de la Garde nationale – Abass Dembélé est cité aujourd’hui parmi les hauts gradés impliqués dans un complot présumé avec l’appui d’un État étranger. Selon les autorités, un ressortissant français, Yann Vezilier, présenté comme agent des services de renseignement de son pays, aurait orchestré le rapprochement entre des responsables politiques, des membres de la société civile et des officiers supérieurs, dont Dembélé et la générale Naima Sagara.
De héros à suspect
Pour beaucoup d’observateurs, la chute de cet officier décoré illustre la complexité des alliances et rivalités au sein de l’armée malienne, en pleine recomposition depuis les coups d’État de 2020 et 2021. Hier célébré comme un artisan de la résistance militaire, Abass Dembélé doit désormais affronter la justice et les soupçons d’avoir trahi les institutions qu’il avait longtemps défendues.
Si les charges retenues contre lui sont confirmées, ce serait l’épilogue brutal d’une carrière qui avait, jusqu’ici, symbolisé loyauté et bravoure. Dans l’attente de la vérité judiciaire, l’image du général reste suspendue entre deux récits : celui du soldat héros de Konna et celui du stratège présumé d’un putsch manqué.