Senejournal - Toute l'actualité du Sénégal
Toute l'actualité du Sénégal

Quelle est la suite de la mondialisation ?

Quelle est la suite de la mondialisation ?

Malgré les cris d’orfraie suscités par la guerre tarifaire du président américain Donald Trump, dont beaucoup affirment qu’elle sonne le glas du système commercial mondial, et malgré les inquiétudes liées à l’aggravation des tensions géopolitiques, la mondialisation n’est pas en train de s’achever.

Mais elle est   par les changements géopolitiques, les transformations technologiques et le changement climatique. Et chacune de ces forces affectera la mondialisation de différentes manières.

Tout d’abord, l’essor de la Chine et d’autres économies met fin à l’ordre mondial d’après-guerre dominé par les États-Unis. L’escalade des rivalités stratégiques, associée aux politiques populistes, a ouvert une ère de , bouleversant les anciens paradigmes et alimentant les tensions commerciales. Les économies qui prêchaient l’évangile néolibéral de la liberté des marchés et de l’ouverture ont adopté des politiques industrielles nationalistes, le protectionnisme et des pratiques commerciales discriminatoires. Ce changement est particulièrement évident aux États-Unis, autrefois principal représentant du néolibéralisme et garant de facto du système multilatéral.

L’évolution de la géopolitique – en particulier la rivalité entre les États-Unis et la Chine, mais aussi la prolifération des conflits armés – va remodeler la mondialisation, et non l’inverser. La guerre tarifaire actuelle n’est pas tant motivée par l’isolationnisme que par le mercantilisme, un jeu de pouvoir visant à obtenir un avantage économique. Le commerce international représentant près de   (et les actifs et passifs financiers extérieurs ), l’économie mondiale est devenue très interdépendante, ce qui laisse penser que l’intégration mondiale est là pour durer.

En outre, la Chine et les États-Unis dépendent toujours des marchés internationaux – et l’un de l’autre – pour assurer leur réussite économique. Ainsi, alors qu’un découplage stratégique des économies chinoise et américaine se produira sans aucun doute dans les technologies de pointe et d’autres secteurs critiques, une rupture plus large n’est pas à l’ordre du jour.

Le résultat le plus probable est une mondialisation fragmentée, avec des connexions économiques reconfigurées autour de puissances concurrentes et le long de lignes régionales. La   deviendra de plus en plus variable au fur et à mesure que des groupes de pays et de secteurs seront plus intégrés et d’autres moins. Cette fragmentation entraînera inévitablement des coûts pour tout le monde. Mais la réorganisation des chaînes d’approvisionnement ne sera pas toujours motivée par des jeux de pouvoir géopolitiques. Certaines résulteront d’efforts de diversification et d’amélioration de la résilience, notamment parce que les économies émergentes offrent de nouvelles sources d’approvisionnement. En fait, l’essor économique des pays en développement et leur plus grande intégration dans l’économie mondiale pourraient davantage façonner les chaînes d’approvisionnement mondiales à long terme que les changements géopolitiques actuels.

Dans le même temps, la révolution numérique, y compris l’IA, est en train de remodeler les marchés mondiaux du travail et de la finance, les modèles d’entreprise et les processus de production et de livraison. Ces technologies constituent un contrepoids aux tensions géopolitiques et donneront un coup de fouet à la mondialisation parce qu’elles améliorent la connectivité qui sous-tend les flux transfrontaliers de marchandises, de finances et de connaissances, et qu’elles facilitent l’intégration du marché du travail.

Les technologies numériques modifient déjà la structure de la mondialisation en élargissant les échanges au-delà des biens physiques. Ces dernières années, les flux de données transfrontaliers ont augmenté de . Alors que l’intégration internationale a été stimulée par l’arbitrage des coûts de main-d’œuvre dans l’industrie manufacturière, les entreprises mondiales tirant profit des travailleurs à bas salaire dans les économies émergentes, les services numériques, en particulier les services interentreprises, maintiendront et renforceront ces liens. Alors que la technologie relocalise une partie de la fabrication, elle délocalisera les services, annonçant une «   » de plus en plus marquée.

Le réchauffement climatique affectera également les modèles de production, de commerce et d’investissement. Pour réduire leur empreinte carbone, les entreprises reconfigureront leurs chaînes d’approvisionnement. Les échanges de biens et de services environnementaux, ainsi que les investissements transfrontaliers dans les technologies vertes, se développeront. La lutte contre le changement climatique confronte l’humanité à d’énormes défis, mais elle ouvre également de   et crée de nouvelles opportunités pour le commerce et la finance internationaux.

Et c’est précisément parce que le changement climatique est un problème universel qu’il peut renforcer l’interconnexion et inscrire la fourniture de biens publics mondiaux à l’ordre du jour international. Alors même que les rivalités géopolitiques s’exacerbent, la menace d’une destruction mutuelle assurée en cas d’inaction climatique peut inciter les adversaires à coopérer. Cela peut avoir des retombées positives sur la collaboration internationale dans des domaines qui sont plus susceptibles de faire l’objet d’une réflexion à somme nulle, comme le commerce.

Les véritables risques pour la mondialisation ne proviennent pas des rivalités géopolitiques, des bouleversements technologiques ou du changement climatique, mais plutôt des réponses politiques qui leur sont apportées. Les pays doivent mieux gérer la restructuration nécessaire de leurs économies, en particulier lorsqu’il s’agit d’aborder les conséquences en termes de répartition. Au niveau international, les   deviendront de plus en plus importantes dans les années à venir. Mais les organisations internationales doivent reconnaître que les approches nationales seront différentes et adapter la gouvernance en conséquence.

À mesure que les économies évoluent et que le pouvoir géopolitique se déplace, de nouvelles dynamiques concurrentielles émergeront inévitablement. L’ampleur des bouleversements et de l’incertitude que ce processus entraînera dépendra de la mesure dans laquelle les décideurs politiques se mettront d’accord sur un ensemble de règles mondiales fondamentales et y adhéreront.

Zia Qureshi, ancien directeur de l’économie du développement à la Banque mondiale, est chercheur principal au sein du programme sur l’économie mondiale et le développement de la Brookings Institution.
© Project Syndicate 1995–2025
 


Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *