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West Africa Think Tank (WATHI): Dix ans au service de la citoyenneté

West Africa Think Tank (WATHI):  Dix ans au service de la citoyenneté

A mesure que les enjeux liés à la gouvernance, au développement, à la sécurité, à l’éducation et à l’environnement se sont complexifiés, le rôle des Think tanks en Afrique est devenu de plus en plus important au cours des deux dernières décennies. C’est le cas de WATHI (West Africa Think Tank) qui souffle ses dix bougies, cette année.

Il n’est pas inutile de rappeler qu’un Think tank est un laboratoire d’idées, ou un centre de réflexion qui produit des analyses, recommandations et débats sur des sujets d’intérêt public. Indépendants ou affilié à un gouvernement, à une université, à un parti politique ou à une organisation de la société civile, certains Think tanks, comme WATHI (West Africa Think thank), créé en 2015 et basé au Sénégal, visent à mobiliser la société civile, et encourager les citoyens à s’exprimer sur des sujets de gouvernance, éducation, santé, etc…

«  Notre activité principale n’est pas de nous exprimer, nous en tant que Wathi, sur ces sujets, mais c’est plutôt de donner la parole à d’autres, mais pas à n’importe qui ». Gilles Yabi, Fondateur et Directeur exécutif de WATHI, explique qu’ « il ne sert à rien d’inviter quelqu’un sur des sujets dont il ne connaît rien. » Il s’exprimait ainsi à l’occasion, ce mardi 1er juillet 2025 à Dakar, lors d’une rencontre informelle d’échange avec des représentants de la presse sénégalaise, marquant cette année les dix ans d’activité de WATHI.

On est là dans l’espace temporel, chargé de l’urgence à combler un déficit flagrant de réflexion endogène sur les enjeux stratégiques pour l’avenir de la région, et la nécessité de prendre le temps qu’il faut pour atteindre des objectifs aussi ambitieux. Ou encore l’urgence de la mobilisation collective et celui de la longue durée, essentielle pour toute transformation profonde des sociétés humaines. C’est tout l’esprit WATHI (qui renvoie au « temps » en langue bambara).   

Multidisciplinaire, l’approche WATHI consiste à décliner les problématiques dans leurs différentes composantes « afin d’éviter des discussions très générales desquelles on sort sans rien de précis notamment concernant les politiques publiques », explique encore M. Yabi. Cependant, l’approche Wathi contient une dimension citoyenne importante sur laquelle insiste Babacar Ndiaye, Directeur de la recherche et des publications de Wathi.

Exemples à l’appui, il souligne les différentes rubriques que comporte la plateforme Wathi notamment l’espace « Tribune » à travers laquelle il est loisible à différents profils de citoyens de tout bord, désireux de s’exprimer sur un sujet d’intérêt public, de le faire, dans des proportions raisonnables. Certes l’ancrage de WATHI est l’Afrique de l’Ouest avec la volonté de l’organisation d’accélérer et d’accompagner les changements positifs dans les pays de cette région. « Il est cependant important de souligner que les sujets sont diversifiés et, notre plateforme n’est pas restreinte et reste ouverte hors Afrique de l’Ouest », souligne M. Ndiaye.  

En gros, la plateforme est un riche panorama hétéroclite sur des dynamiques politiques, économiques, technologiques, sociales ou culturelles, des politiques publiques, des initiatives innovantes, entre autres.    
 
Limites objectives

L’ambition citoyenne de Wathi se heurte tout de même à des limites objectives qu’il faut nommer sans complaisance, pour peu que la volonté atteigne le plein accomplissement de son potentiel. Par exemple, la traduction de ses idées en politiques publiques concrètes reste difficile à mesurer. Les recommandations sont souvent pertinentes, bien structurées, mais elles n’atteignent pas toujours les décideurs ou ne sont pas intégrées dans les processus institutionnels. Le lien entre le « penser » et le « faire » reste fragile.

Dans l’écosystème des Think tanks, beaucoup sont financés par des fondations, États, entreprises ou donateurs privés. Wathi n’y échappe pas et est accompagné par un mix d’institutions (Bill & Melinda Gates Foundation, OSIWA, Konrad-Adenauer, AECID, entre autres, de partenariats locaux (Dalberg, Madiba Institute, radio), et par un modèle participatif de dons citoyens. Une nécessité sans doute pour toute association à but non lucratif souhaitant pérenniser des actions citoyennes. Cela soulève néanmoins des questions de partialité, surtout si les résultats de recherche semblent alignés avec les intérêts des financeurs.

Cependant, son Directeur exécutif rassure et précise que « Wathi reste une association avec les contributions de ses membres mais aussi non membres, et des partenaires dont le plus important reste l’Open Society Initiative for West Africa (OSIWA), mais aussi la Fondation  Konrad-Adenauer, sur des modèles quelque peu différents et depuis quelque temps, l’Ambassade d’Irlande notamment sur les questions liés à l’éducation. »

Pour dire que dans un souci d’indépendance, « Wathi choisit tout de même ses financements en fonction des missions que nous nous sommes assignées et nous sommes très attentifs aux financements et nous n’avons en l’occurrence jamais cherché de financements auprès de gouvernements dans la région, l’idée n’étant pas de faire des projets soumis par d’autres », souligne Gilles Yabi.

La question de la visibilité a également été abordée, les médias ne relayant pas toujours leurs productions, faute de collaboration mais aussi de facteurs éditoriaux et probablement d’ignorance.
 
Un creuset salutaire dans le désert du débat public

Il n’en demeure pas moins que, depuis sa création en 2015, WATHI s’est donné une mission aussi ambitieuse que salutaire : produire une pensée politique enracinée, inclusive, tournée vers l’action. Une plateforme qui n’attend pas que les réformes viennent « d’en haut », mais qui parie sur la société elle-même comme actrice du changement. Un univers qui se décline en un état d’esprit, un mouvement citoyen transnational et un laboratoire d’idées.

Au cours de l’année 2025 qui marque ses dix ans d’activité, Wathi ambitionne d’apporter sa contribution à une Afrique de l’Ouest meilleure, à travers ses publications et ses événements, sur une variété encore plus importante de sujets essentiels, mais aussi beaucoup de projets qui ont été déclinés au cours des échanges par Marième Cissé, chargée de recherche et de projet à WATHI. Plus de contenus et de débats sur la culture, sur la jeunesse, sur l’économie et une attention spéciale maintenue pour les questions d’éducation et de formation.

En analysant le caractère multidisciplinaire de Wathi, la valorisation des sujets souvent négligés (éducation, culture, mémoire, spiritualité…), sa structure participative qui attire jeunes, chercheurs, membres de la diaspora, etc, bref sa dimension citoyenne, il est heureux de constater qu’il ne fonctionne pas comme un outil de lobbying au service d’intérêts privés ou politiques directs. Dans un contexte ouest-africain marqué par la méfiance envers les partis, les médias et les élites, WATHI apparaît comme un espace rare de débat, de réflexion et d’écoute ; un lieu où penser l’Afrique devient un acte citoyen.
 
THINK TANKS ?
 
Les think tanks (ou « laboratoires d’idées ») en Afrique jouent un rôle important dans la production de connaissances, la formulation de politiques publiques, et le débat intellectuel et citoyen. Mais comme toute institution, ils ne sont pas sans limites ni critiques. Certes les think tanks offrent l’opportunité d’une production intellectuelle indépendante, en permettant souvent à des experts de produire des idées en dehors des cadres politiques ou universitaires traditionnels. Certains ont une vraie capacité d’influence sur les gouvernements, les ONG, ou les institutions internationales. De plus, à l’instar de Wathi, ils rendent certains savoirs techniques plus accessibles au grand public ou aux décideurs.
En revanche, contrairement à Wathi qui affiche clairement ses partenaires, certains think tanks accusent des limites dans la transparence et ne divulguent pas clairement leurs sources de financement ni leurs affiliations politiques, ce qui rend difficile l’évaluation de leur objectivité. Exemple : des think tanks financés par l’industrie pétrolière sont susceptibles de minimiser les effets du changement climatique.

Pour ne rien arranger, il en est qui se présentent comme neutres mais sont en réalité idéologiquement orientés (libéraux, conservateurs, socialistes, religieux, etc.). Cela peut biaiser la production intellectuelle et créer une fausse impression de neutralité scientifique. Le savoir produit est souvent très technique, coupé du vécu quotidien des populations. Cela peut aboutir à des recommandations inapplicables ou hors-sol.

Toutefois, les think tanks ne naviguent pas toujours en eaux tranquilles. Ils ont aussi leurs contraintes d’ordre politique dans des contextes plutôt hostiles, certains d’entre eux pouvant être étouffés par des restrictions à la liberté d’expression.
 Malick NDAW


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