Dans une tribune, le politologue Babacar Justin Ndiaye critique avec force la candidature d’Amadou Hott à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD), considérée par lui comme une erreur stratégique majeure de la diplomatie sénégalaise sous l’ère du Président Bassirou Diomaye Faye.
« L’Histoire offre un tableau de bord mémoriel et lumineux qui empêche de commettre les erreurs évitables », commence-t-il, en soulignant que cette candidature n’aurait jamais dû être maintenue si l’on avait simplement prêté attention aux leçons du passé.
Selon lui, cette candidature est d’autant plus malheureuse qu’elle va à l’encontre de la sagesse diplomatique régionale : « Il ne faut jamais (autant que possible) aller diplomatiquement en compétition voire en rivalité avec un voisin direct », écrit-il, rappelant la célèbre formule de Bismarck : « Un pays fait son histoire mais subit sa géographie ».
Babacar Justin Ndiaye égrène ensuite une liste prestigieuse de Sénégalais ayant marqué les plus grandes institutions internationales, preuve selon lui que Dakar n’avait pas besoin de forcer le destin en présentant une candidature peu opportune. « Depuis 1960, la liste des cadres en perpétuel ballet au sommet des institutions et des organismes internationaux force le respect universel », rappelle-t-il.
Parmi ces illustres figures, il cite Cheikh Fall à la tête d’AIR AFRIQUE, Falilou Kane à l’OCAM, Amadou Makhtar Mbow à l’UNESCO, Amadou Karim Gaye à l’OCI, le Général Babacar Gaye à la MONUC, Louis Alexandrenne à l’ONUDI, et Jacques Diouf à la FAO. Il précise néanmoins avoir volontairement omis Babacar Ndiaye, ancien président de la BAD, qualifié de « sénégalo-guinéen ».
Pour lui, le Sénégal aurait dû soutenir la candidature mauritanienne, afin de préserver une coopération bilatérale bénéfique à long terme. « Il fallait soutenir ardemment la candidature mauritanienne, afin de capter ultérieurement le soutien de Nouakchott à toute future ambition internationale du Sénégal », écrit-il, insistant sur le caractère stratégique de cette alliance.
L’échec d’Amadou Hott n’est pas, à ses yeux, un simple revers diplomatique, mais un signal inquiétant d’une approche précipitée : « L’Histoire n’est pas une course de vitesse mais une course de fond. Un régime démocratiquement établi en 2024 (fort d’une légitimité flamboyante et séduisante) a du temps et des atouts devant lui. Pourquoi alors cette précipitation qui fait perdre le volant ou le guidon ? »
Enfin, l’analyste appelle à placer les relations entre Dakar et Nouakchott « sous le signe de la collusion féconde et non sous celui de la collision stérile », d’autant plus que les deux nations sont désormais liées par le gaz, le pétrole, l’OMVS et une profonde histoire commune.
Il conclut en rappelant que « c’est l’Ambassadeur et écrivain Ousmane Socé Diop qui défendit, avec brio, à la tribune des Nations-Unies, la souveraineté de la Mauritanie menacée par les visées expansionnistes marocaines », dans un contexte où « le Royaume chérifien n’a d’ailleurs accepté l’indépendance et reconnu l’État de la Mauritanie qu’en 1969 ».
Pour Babacar Justin Ndiaye, le dossier du champ gazier transfrontalier de Tortue Ahmeyim, découvert en 2015, « condamne les deux gouvernements à privilégier l’articulation et à éliminer l’arthrose ».