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Propositions pour une consolidation de l’Etat de droit au Sénégal : Nécessité d’une responsabilité pénale effective du Chef de l’Etat, des membres du Gouvernement, des députés et des magistrats

Propositions pour une consolidation de l’Etat de droit au Sénégal :  Nécessité d’une responsabilité pénale effective du Chef de l’Etat, des membres du Gouvernement, des députés et des magistrats

La Constitution du Sénégal proclame, dans son préambule, « le respect et la consolidation d’un Etat de droit dans lequel l’Etat et les citoyens sont soumis aux mêmes normes juridiques sous le contrôle d’une justice indépendante et impartiale ».

L’état de droit ou « Rule of Law » (traduction du principe de la « Rechtsstaat ») suppose la prééminence, dans un Etat, du droit sur le pouvoir politique (exécutif et législatif), ainsi que le respect de la loi par les gouvernants et les gouvernés.

En donnant un contenu à cette notion, la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme ont indiqué qu’elle tourne autour de six principes : la légalité (adoption des lois selon un processus transparent et démocratique), la sécurité juridique (exercice non arbitraire du pouvoir exécutif), une protection juridictionnelle effective (à travers des juridictions indépendantes et impartiales), la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) et l’égalité devant la loi (ou égalité en droit).

Le Sénégal satisfait à la plupart de ces caractéristiques d’un Etat de droit. Néanmoins, tout système politique, juridique et philosophique est en perpétuelle amélioration et l’impression d’une impunité des autorités étatiques, favorisée par nos textes, peut incommoder le peuple.

Les articles 1er et 7.4 de la Constitution rappellent l’égalité devant la loi et devant la justice, conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme. Ce principe suppose qu’il faut un traitement égal pour les situations similaires, mais le législateur reconnait la possibilité d’un traitement différencié pour des situations distinctes. Reprenant Kelsen, le Conseil constitutionnel français a précisé, à ce propos, que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général » (arrêt du 18 mars 2009) ; et qu’ « il est loisible au législateur de prévoir des règles de procédure pénale différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquels elles s’appliquent, pourvu que les différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées des garanties égales aux justiciables » (décision des 19 et 20 janvier 1981).

 

Tout en restant dans cette dynamique, nous formulons les propositions suivantes pour une consolidation de l’Etat de droit au Sénégal. Elles concernent la responsabilité pénale des personnes incarnant les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

Responsabilité pénale du Président de la République

En l’état actuel de notre législation, la responsabilité pénale du Président de la République, prévue à  101 de la Constitution, ne peut être engagée, qu’en cas de haute trahison, par une mise en accusation votée à la majorité des trois cinquièmes des membres de l’Assemblée nationale. Il ne peut être jugé que par la Haute Cour de Justice présidée par le Premier Président de la Cour suprême ayant comme assesseurs huit députés élus par leurs pairs (récusables en cas, entre autres, d’inimité capitale avec l’accusé).

Interprétant une disposition similaire dans la Constitution française, le Conseil constitutionnel français a indiqué que ce régime de responsabilité pénale du Chef de l’Etat est applicable pour toutes les infractions qu’il commettrait, à savoir les actes qualifiables de haute trahison et tous crimes ou délits.

Même si, selon le constitutionnaliste Dominique Chagnollaud, la haute trahison « absorbe (…) tous les crimes et délits prévus par le code pénal », force est de constater que cette notion ne figure pas dans le code pénal et que la Haute Cour de justice pourrait ne pas lier la haute trahison (pourquoi « haute » d’ailleurs) à une infraction caractérisée par le code pénal, et ne pas retenir une peine édictée par ce code.

C’est pour cette raison que nous osons affirmer que la Haute Cour de justice exerce, à l’endroit du Président de la République, une justice politique (un oxymore) ; et que donc il n’y a pas de responsabilité pénale de ce chef d’Etat, mais une responsabilité politique, ce qui est une entorse à l’Etat de droit.

Par ailleurs, la notion de « haute trahison » date de la première constitution française du 22 août 1795 et est restée indéfinie. Il revient à la Haute Cour de justice, une fois qu’elle est saisie, d’apprécier les faits constitutifs d’une haute trahison et de prononcer une sanction. Ce qui ne satisfait pas au principe de légalité des incriminations et des sanctions prévu par la Constitution, les Conventions internationales et la loi pénale.

Quant à la Haute Cour de justice, d’aucuns s’interrogent sur ladite sanction qu’elle peut prononcer et sur le caractère juridictionnel de la procédure.

 

Aussi, à l’instar de certains pays considérés comme des démocraties avancées, la responsabilité pénale du Chef de l’Etat doit être actée au Sénégal. Cette responsabilité pénale, pour les actes liés à l’exercice des fonctions, pourrait toujours être mise en jeu par un organe dont la composition est essentiellement politique, et l’initiative devrait demeurer entre les mains des représentants de la nation, comme on le remarque dans la plupart des Etats. A titre illustratif, en Allemagne et en Autriche, les poursuites sont autorisées par un vote parlementaire, en cas de violations délibérées de la Constitution ou de la loi pénale et la juridiction constitutionnelle est chargée de prononcer la sanction. En plus de cela, la sanction politique (destitution ou bannissement) devrait être assortie de sanctions pénales et/ou civiles. En guise d’exemple, en plus de la destitution, certains Etats ont prévu, à l’encontre du Chef de l’Etat, des sanctions de droit commun (c’est le cas de l’Autriche, la Finlande, l’Italie, la Grèce, le Portugal, …).

Ainsi, pour rester dans l’esprit de  101 qui établit un privilège de juridiction et de procédure au bénéfice du Président de la République, en combinant les principes constitutionnels d’égalité devant la justice, de séparation des pouvoirs et de continuité de l’Etat, nous proposons de réécrire ainsi qu’il suit cette partie de la Constitution (cette nouvelle disposition aura un caractère rétroactif comme toute loi pénale de forme) :

« Le Président de la République est responsable des crimes et délits commis durant l’exercice de ses fonctions.

La responsabilité pénale du Président de la République ne peut être engagée que par l’Assemblée nationale, statuant par un vote identique au scrutin secret, à la majorité des trois cinquièmes des membres le composant ; il est jugé par la Chambre criminelle de la Cour suprême dont la décision est susceptible de recours devant les Chambres réunies. La décision des Chambres réunies ne peut faire l’objet d’aucun recours. Toutefois, elle est susceptible de révision dans les formes et conditions légales. »

Responsabilité pénale du Premier ministre et des ministres

101 d…


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