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Proposition de loi visant à suspendre la compétence des collectivités locales en matière de gestion foncière : Une recentralisation déguisée pour affaiblir les élus locaux opposants ?( Me Habib Vitin)

Proposition de loi visant à suspendre la compétence des collectivités locales en matière de gestion foncière : Une recentralisation déguisée pour affaiblir les élus locaux opposants ?( Me Habib Vitin)

Le député Amadou Ba, membre du parti PASTEF, a récemment annoncé son intention de déposer une proposition de loi visant à suspendre la compétence des collectivités locales en matière de gestion foncière jusqu’aux prochaines élections. Cette initiative vise à centraliser la gestion du foncier au niveau de l’État, en réponse aux nombreux problèmes liés à la spéculation foncière au Sénégal. 

 

En ciblant spécifiquement les collectivités locales, le député met en lumière les défis posés par la décentralisation dans la gestion foncière. Il estime que la centralisation temporaire de cette compétence permettra une meilleure planification et une utilisation plus efficace des terres, en évitant les dérives actuelles et en favorisant le développement économique du pays.

 

Le timing de la proposition est mal choisi à mon humble avis. En effet le député Amadou Ba est déjà porteur d’une proposition de loi interprétative de la loi portant amnistie qui alimente polémiques, controverses et suscite de multiples indications.  

 

Au-delà du timing, se pose l’opportunité de la démarche qu’on peut qualifier de biaiser pour atteindre un objectif électoraliste et qui soulève plusieurs points de débat :

 

I – Une Tentative de diversion ?

 

Cibler uniquement les collectivités locales dans la réforme foncière, alors que les plus grands scandales viennent de l’administration centrale, soulève une vraie question sur l’objectivité et l’efficacité de cette approche. 

 

Et puis la suspension de la compétence des collectivités locales n’a pas de sens dès lors que le conseil municipal prend une délibération qui est soumise au contreseing du préfet représentant l’état central. Par conséquent les affectations de terres sont « validées  » par l’état. 

 

En concentrant la réforme sur les collectivités locales, on risque de détourner l’attention des pratiques douteuses au niveau étatique.

 

1 – Les morcellements du CICES et de la Zone de Captage
 

Sous le régime de l’ancien président Abdoulaye Wade, des terrains appartenant au Centre international du commerce extérieur du Sénégal (CICES) et à la Zone de Captage ont été morcelés et attribués de manière controversée. Ces opérations ont souvent bénéficié à des personnalités influentes, suscitant des accusations de favoritisme et de mauvaise gestion. 

 

2 – L’affaire de la Corniche Ouest et du Phare des Mamelles
 

Plus récemment, des terrains situés sur la Corniche Ouest de Dakar et aux abords du Phare des Mamelles ont été attribués à des promoteurs privés, malgré leur importance écologique et touristique. Ces décisions ont entraîné des protestations de la société civile et des accusations de spéculation foncière impliquant des membres de l’administration centrale. 

 

3 – La forêt classée de Mbao et la bande des filaos de Guédiawaye
 

Des portions de la forêt classée de Mbao et de la bande des filaos de Guédiawaye ont été déclassées et cédées à des fins immobilières. Ces actions, souvent approuvées par des instances centrales, ont conduit à des pertes environnementales significatives et à des conflits avec les communautés locales. 

 

4 – Les affectations massives de terres depuis 2012
 

Depuis 2012, plus de 800 000 hectares de terres ont été affectés, principalement par des décisions de l’administration centrale. Cette situation a exacerbé la spéculation foncière et les tensions sociales, notamment en milieu rural. 

 

Les mairies et conseils départementaux ne sont pas exempts de critiques, mais ils ne sont pas les seuls responsables des problèmes fonciers.

 

II – Un prétexte pour affaiblir des élus locaux opposants ?

 

Au Sénégal, de nombreuses mairies et conseils départementaux sont dirigés par des élus d’opposition ou indépendants du pouvoir central. En réduisant leurs prérogatives, notamment en matière foncière, l’État pourrait limiter leur capacité à financer des projets locaux et donc à renforcer leur base politique. Cette stratégie a déjà été observée dans d’autres réformes où l’État recentralise des compétences stratégiques pour limiter l’influence des collectivités locales.

 

La proposition de centraliser la gestion foncière au niveau de l’État, en ciblant uniquement les collectivités locales, peut être perçue comme une réforme politique visant à affaiblir les élus locaux. 

 

1 – Une remise en cause du pouvoir des élus locaux

 

Depuis l’Acte III de la décentralisation, les maires et présidents de conseils départementaux ont vu leurs compétences renforcées, notamment en matière foncière. Supprimer ou restreindre leur rôle dans l’attribution des terres réduirait considérablement leur influence politique et leur autonomie.

En parallèle, le pouvoir central renforcerait son contrôle, limitant la capacité des élus locaux à mener des projets de développement indépendants.

Exemple, si une mairie ne peut plus attribuer des terrains pour des projets économiques ou sociaux, elle perd un levier clé pour attirer des investisseurs ou répondre aux besoins locaux.

 

2 – Une attaque contre la décentralisation ?
 

La réforme de 2013 sur l’Acte III de la décentralisation visait justement à renforcer les collectivités locales. Leur retirer la gestion foncière reviendrait à les affaiblir, alors même qu’elles sont censées être les acteurs principaux du développement territorial. Si des abu…


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