Une Analyse Critique de la politique migratoire de l’administration Trump
      Dès les premières heures qui suivent son investiture, Donald Trump a signé une rafale de documents sous les acclamations d’une foule en euphorie. Plusieurs de ces documents concernaient la lutte contre l’immigration clandestine. 
    
  La position de Trump n’est pas une surprise, elle faisait partie de ses promesses de campagne et s’inscrit dans la continuité des orientations adoptées au cours de son précédent mandat. 
    
  En effet, dès sa campagne présidentielle en 2016, Donald Trump a placé la migration au cœur de son discours politique. L’idée d’un « mur » à la frontière avec le Mexique, devenu le symbole emblématique de son administration, reflétait sa volonté de sécuriser les frontières face à ce qu’il qualifiait de « migration non contrôlée ». Cette promesse de campagne s’est rapidement traduite par des mesures concrètes, telles que la politique de « tolérance zéro » et des politiques restrictives comme l’Excecutive order 13769 communément appelé « Muslim Ban », qui visait à suspendre le programme d’admission des réfugiés aux États-Unis et l’entrée sur le territoire (même pour les visas déjà accordés) des citoyens de l’Irak, l’Iran, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et du Yémen. 
    
  Bien que cette position qui privilégie une approche sécuritaire et restrictive ne constitue pas une nouveauté, elle continue néanmoins de susciter les mêmes préoccupations sur ses impacts sociaux, économiques et juridiques. 
    
  Un deuxième acte sans surprise 
    
  L’une des annonces les plus marquantes de la politique de Trump a été l’opération d’expulsion massive des étrangers. Des arrestations en masse, souvent dans des scènes hollywoodiennes, plongent les communautés immigrées dans une atmosphère de peur constante, comme en atteste les rafles organisées la semaine passée et qui ont mobilisé des agents du FBI, de l’ATF, l’agence de contrôle des armes à feu ou encore de la DEA, l’agence fédérale de lutte contre la drogue.   
    
  Un autre axe clé de cette politique est la militarisation accrue de la frontière sud qui repose sur des théories inquiétantes, telles que celle du « grand remplacement », alimentant des discours divisant et parfois violents. Cette théorie trouve appui essentiellement sur les projections démographiques qui annoncent que la population hispanique des États-Unis pourrait atteindre environ 25 % à 30% d’ici 2050, contre 19,1 % actuellement. 
    
  Trump a également introduit de nouvelles restrictions pour les demandeurs l’asile et les réfugiés, a réalisé une première purge de la justice administrative responsable de l’immigration et a menacé d’engager des poursuites contre les élus et les fonctionnaires des collectivités locales qui feraient obstacle à une opération anti-immigration. 
    
  Ces mesures ont alarmé les juristes et défenseurs des droits de l’Homme, qui redoutent une érosion significative des violations des droits de l’Homme en générale et des protections légales pour les demandeurs d’asile en particulier. 
    
  Immigration et économie : une interdépendance sous-estimée 
    
  La politique migratoire de Donald Trump a été critiquée pour sa vision unilatérale de la migration. Au-delà du coût humain inquiétant de cette politique notamment en ce qui concerne les familles séparées et les conditions de détention des enfants, les analystes alertent sur l’impact économique négatif que pourrait avoir la politique voulue par Trump sur l’économie alors que certains secteurs ne peuvent fonctionner sans cette main d’œuvre, c’est en particulier le cas de l’agriculture ou du bâtiment, qui emploient des centaines de milliers de migrants, parfois illégaux, pour fonctionner. 
    
  Il est important de souligner et selon les autorités américaines, qu’au total, 11 millions de personnes vivraient aux États-Unis sans papiers, pour leur grande majorité venant du Mexique et près de 8,3 millions d’entre eux travaillaient en 2022 (Pew Research Center), soit l’équivalent de 5% de la force de travail. 
    
  Selon l’enquête nationale sur les travailleurs agricoles du Ministère Américain du Travail, 70% des travailleurs agricoles sont des immigrants, dont beaucoup sont sans papiers et selon le Conseil américain sur l’immigration (AIC), si les travailleurs sans-papiers étaient expulsés du pays, l’effet serait très fort sur certains métiers, avec un impact de plus de 30% pour les plâtriers, couvreurs ou peintres ou de 25% pour le personnel de nettoyage. 
    
  Autre effet à souligner, est celui sur l’inflation. Selon les experts, la politique de Trump sur l’immigration pourraient entraîner une forte hausse des prix dans certains secteurs de l’économie, ce qui causerait une inflation pouvant atteindre 3,5 points de pourcentage supérieur d’ici 2026. Cette hausse sera essentiellement dûe à l’augmentation des salaires pour les salariés américains ce qui entraînerait par conséquent une augmentation des prix dans certains secteurs de l’économie. Au niveau du commerce international, cela alertera considérablement la compétitivité des produits américains sur le marché mondial. 
    
  Cela nous amène à aborder un point important qui est celui de l’argument souvent avancé par les critiques de l’immigration selon lequel l’afflux de travailleurs étrangers prêts à travailler pour un salaire inférieur fait baisser les salaires de la population autochtone. Cet argument a été déconstruit par une étude réalisée en 2014 par l’Université de Californie sur 27 études sur l’impact économique de l’immigration et qui a conclu que l’effet moyen de l’immigration sur les salaires des natifs était essentiellement nul. Cela voudrait dire, qu’une diminution de la main d’œuvre étrangère aura un impact négatif par contre son maintien ne peut avoir que des effets positifs. 
    
  Aussi, il serait important de rappeler qu’environ 45 % des 500 plus grandes entreprises américaines en termes de chiffre d’affaires ont été fondées par des immigrants ou leurs descendants et 55 % des startups américaines évaluées à 1 milliard de dollars ou plus sont tenues par des immigrés. Nous pouvons d’ores et déjà nous questionner sur les effets que pourraient avoir la politique du président élu sur l’innovation et l’entreprenariat. 
    
  Par ailleurs, l’impact démographique n’est pas à négliger. En 2023, la population née à l’étranger a atteint un record de 47,8 millions, soit 14,3 % de la population américaine. Le Mexique est le premier pays d’origine avec 10,6 millions d’habitants, suivi de l’Inde, avec 2,8 millions, et de la Chine, avec 2,5 millions. Les États-Unis sont indéniablement confrontés aux défis du vieillisement de la population, ce qui implique une baisse de la population en âge de travailler accompagnée d’une hausse des coûts de santé. 
    
  Bien que le nombre d’immigrants ait atteint des niveaux historiques, la croissance globale de la population américaine connaît un ralentissement causé par une diminution du taux de natalité. En effet, entre 2010 et 2020, le pays a enregistré la croissance démographique la plus faible observée depuis les années 1930, période durant laquelle le taux de natalité avait chuté à son niveau le plus bas en raison de la Grande Dépression. D’après les projections du Congressional Budget Office, l’année 2040 marquera un seuil critique où les décès dépasseront les naissances. 
    
  L’impact démographique aura indéniablement un effet domino et les recettes fiscales en subiront les conséquences. Selon l’American Immigration Council (AIC), les ménages d’immigrants ont contribué à près soit près de 580 milliards de dollars en 2022, soit près d’un sixième d…
     
 
   
   
                