Le Nigeria et le Niger partagent 1500 km de frontière, d’est en ouest… Sept États nigérians sont frontaliers avec le Niger. Ils entretiennent des liens extrêmement étroits avec leur voisin, nous rappelle Dengiyefa Angalapu, chercheur au Centre pour la Démocratie et le Développement à Abuja. « Dans l’État de Katsina, dans l’État de Sokoto, et dans tout le Nord-Ouest du Nigeria en général, parfois il y a seulement une maison qui séparer la frontière entre le Niger et le Nigeria. Il y a des Nigérian(ne)s qui sont mariés avec des Nigérien(ne)s, c’est une relation vraiment très proche. Donc, s’il y a une guerre avec le Niger, il va y avoir énormément de gens qui vont fuir au Nigeria. Et ce sera impossible de les arrêter, puisqu’on sait à peine où se situe la frontière.
Nous avons du mal à mettre fin à Boko Haram, nous avons du mal à combattre les bandits… parce que dès qu’il y a une intervention de l’armée contre ces acteurs non-étatiques, ceux-ci passent la frontière pour se réfugier au Niger… Il y a aussi des problèmes propres au Nigeria qui ont des conséquences pour le Niger !
Donc quand on ferme la frontière, il n’y a pas que l’économie nigérienne qui rencontre des difficultés – l’économie nigériane souffre aussi. On analyse tout ça comme s’il n’y avait qu’un seul côté, comme si ça allait impacter seulement le Niger. On ne se demande pas quelles conséquences ça va avoir sur le Nigeria ! »
Muhammad Manguno, élu de l’état de Borno, s’inquiète notamment du sort des quelque 200 000 réfugiés nigérians présent de l’autre côté de la frontière. « Certains de mes administrés se trouvent en ce moment même au Niger, où ils sont réfugiés. S’il y a un conflit, où vont-ils aller ? S’il y a de l’instabilité au Niger, les premiers qui vont subir des conséquences négatives, c’est nous, au Nord du Nigeria. Cela va même renforcer les jihadistes de Boko Haram, qui vont exploiter cette situation. »
Le jeune Muhammad, également originaire du Borno, voit surtout d’un mauvais œil la fermeture totale de la frontière entre les deux pays, actée samedi par les autorités nigérianes. « Beaucoup de Nigériens traversent pour faire du commerce, et c’est la même chose pour les Nigérians qui passent de l’autre côté de la frontière. Ils risquent d’être très affectés, alors qu’ils sont déjà pauvres ».
Confrontés à une inflation record, les Nigérians craignent qu’une implication de leur pays dans un conflit ne fasse qu’aggraver leur propre situation économique… William essaie de peser le pour et le contre : « Il y a eu beaucoup de coups d’État dans la région et si nous ne faisons rien, cela va se répéter. Mais bon … c’est le Niger ! Je n’en ai vraiment rien à faire d’eux, c’est leurs problèmes ! Et nous avons déjà les nôtres. »
Les forces de sécurité nigérianes sont déjà déployées en nombre sur tout le territoire national, en proie a une insécurité quasi-généralisée.