Un temps procureur militaire, Blaise Goumou est un habitué des prétoires. Mais ce mercredi 25 janvier, alors que se poursuivent les audiences du procès du massacre du 28 septembre 2009, c’était bien la première fois qu’il y occupait pareille place : celle d’accusé. Originaire de la Guinée forestière (sud-est) comme Moussa Dadis Camara, ce gendarme est considéré comme un des maillons forts du pouvoir de l’ex-putschiste. Faux, s’en est-il vivement défendu : « Toumba Diakité [l’aide de camp de Dadis] a lui-même dit qu’il ne me connaissait pas, parce que je n’ai posé aucun acte de nature à attirer l’attention sur moi. […] Avec Dadis, nous ne nous sommes connus qu’une fois incarcérés à la Maison centrale. »
Loin du cœur du pouvoir
À l’époque, Goumou travaille au secrétariat à la présidence chargé des services spéciaux, de la lutte anti-drogue et du grand banditisme, sous la direction de Moussa Tiégboro Camara (coaccusé dans le procès). Il assure qu’il était loin du cœur du pouvoir, contrairement à Toumba Diakité, qui, selon lui, était « la mémoire, les oreilles et les yeux du président » en sa qualité d’aide de camp et commandant de la garde présidentielle. Un poste qu’« il ne méritait pas, tacle l’accusé. C’était un simple sergent à la prise de pouvoir de Dadis ».
Le 28 septembre 2009, jour du massacre, Blaise Goumou assure qu’il faisait sa ronde habituelle lorsque son chef et « ami » Moussa Tiégboro Camara l’a appelé pour connaître sa position. Il le rejoint alors sur l’esplanade du stade du 28-septembre, où une marée humaine était déjà rassemblée pour protester contre la candidature à la présidentielle de Moussa Dadis Camara. L’ambiance est d’abord bon enfant. Puis quelques échanges de gaz lacrymogènes et de jets de cailloux interrompent l’exercice de sensibilisation auquel s’adonnait Moussa Tiégboro Camara, selon l’accusé.
« Vous l’auriez haï »
C’est alors qu’arrive la garde présidentielle, raconte Goumou. « C’était la première fois que je croisais des bérets rouges sur un lieu de manifestation, explique-t-il. Ils sont arrivés à bord de quatre ou cinq pick-up, Toumba était à leur tête. Ils sont descendus, sont entrés à l’intérieur du stade et ont tiré », narre l’accusé, qui précisera plus loin que c’étaient des tirs en l’air. « Puis nous, on a décroché, renchérit-il. Connaissant Toumba, on ne pouvait pas rester sur place. Monsieur le président, si vous aviez eu la malchance de découvrir Toumba pendant le temps du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD, nom de la junte au pouvoir), vous l’auriez haï à jamais. »
Pour étayer ses déclarations, Blaise Goumou en appelle aux témoignages de certains leaders politiques comme les anciens Premiers ministres Cellou Dalein Diallo et François Louncény Fall devant les juges d’instruction. Tous deux s’accordent sur la présence de Toumba et des bérets rouges de la garde présidentielle sur le lieu des tueries. « Qui a envoyé Toumba ? Il dit qu’il voulait sécuriser les leaders politique, l’a-t-il vraiment fait ? Les institutions républicaines étaient-elles menacées ? »
Mais qu’a fait Goumou après avoir vu Toumba Diakité et ses hommes foncer dans un stade rempli d’une foule désarmée ? interroge le ministère public. « On a quitté », répond l’accusé, arguant du rapport de force et des antécédents entre son service et celui de Toumba. Il assure n’avoir vu aucune victime avant de quitter le stade et qu’il aurait été dans « l’impossibilité de secourir » les manifestants. Visiblement insatisfait, le parquet lui demande s’il avait informé sa hiérarchie de la menace que faisait planer la présence de Toumba. Blaise Goumou ne s’en souvient plus.