Philanthrope planification successorale , gestion d’investissements, coordination fiscale et juridique…Ce sont quelques-uns des services proposés par les Family Offices aux familles fortunées d’Afrique et d’ailleurs. Gros plan sur ce marché de niche encore en croissance sur le continent Africain, avec le Directeur Afrique de Sing Family Entreprise (SFE),Amadou Niang.
FORBES AFRIQUE : Quel a été votre parcours et quelles sont les activités de Sing Family Enterprise Group ?
AMADOU NIANG : Ancien conseiller financier du président ivoirien de 2006 à 2008, j’ai dirigé la branche new-yorkaise de Nova Capital Market, un fonds d’investissement axé sur les pays d’Afrique subsaharienne. Par la suite, j’ai fondé le cabinet de conseil financier
Kumba Capital, présent à New York, Abidjan, Dubaï et Dakar, et partenaire en Afrique du fonds d’investissement américain Baylis Emerging Markets.
Sing Family Enterprise (SFE) est un conglomérat multisectoriel (technologie, finance, agriculture et chaînes d’approvisionnement alimentaires, infrastructures, énergie, mines, tourisme…) qui se positionne comme un Family Office. Basée à Hong Kong, la holding consolide les projets, investissements et entreprises du fondateur Hob Ming Sing et de son réseau. Elle est impliquée dans plus de 200 investissements dans le monde (certains au Nasdaq), dont plus de 20 startups.
Quelles sont les contraintes et les spécificités de l’activité d’un Family Office en Afrique par rapport au reste du monde ?
Les entreprises familiales constituent l’épine dorsale de nos économies africaines. Elles représentent plus de 70 % du tissu entrepreneurial. Cependant, leur trajectoire est façonnée par des contraintes particulières et des spécificités socioculturelles qui les différencient des modèles observés en Europe, en Amérique ou ailleurs. Il s’agit par exemple de l’accès limité au financement, et de leur forte dépendance à l’autofinancement. Ces entreprises ont un mode de gouvernance marqué par l’impréparation à la transmission intergénérationnelle pouvant déboucher sur des conflits entre héritiers, en l’absence de mécanismes formalisés. Les dirigeants ou fondateurs subissent des pressions sociales et communautaires marquées par de fortes attentes de la famille élargie, en plus de charges sociales pesantes.
En Afrique, l’omniprésence du fondateur (son réseau, sa réputation) détermine le succès du business. C’est tout le contraire des Family Offices opérant en Europe, où l’on trouve une succession planifiée, une très forte institutionnalisation, et un accès au capital facilité. En Asie (Chine, Inde, Golfe) aussi, on trouve des dynasties industrielles avec une transmission organisée et un fort appui étatique. En revanche, en Afrique, le poids socioculturel et communautaire est marqué, avec de fréquentes et fortes diversifications, et des gouvernances encore émergentes.
Comment les Family Offices africains peuvent-ils pérenniser leur rôle ?
Pour pérenniser leur rôle, ces structures doivent relever des défis structurels et contextuels. En professionnalisant leur gouvernance, en s’ouvrant au financement externe, en renforçant leur ancrage sociétal et en intégrant les standards mondiaux, elles pourront devenir des acteurs de référence dans la croissance africaine et internationale.
Dangote dans l’industrie, Diagou dans la finance… Quel est le trait commun à ces grandes dynasties africaines ?
Ce qui unit ces familles d’entrepreneurs, c’est un ancrage local solide, un contrôle familial maîtrisé, une intégration verticale, un capital relationnel, et une capacité à anticiper les grandes transitions économiques. Cela explique pourquoi elles sont devenues non seulement des champions dans leurs pays d’origine, mais aussi des acteurs régionaux et mondiaux. L’ancrage local a servi de tremplin pour bâtir une expansion contrôlée. Elles partagent une capacité à investir avec patience. Cette vision longue distingue les « grands bâtisseurs » des entrepreneurs opportunistes. Ces groupes ont gardé un contrôle familial fort tout en professionnalisant progressivement leur gestion.
Le groupe Dangote conserve un pilotage très centralisé, mais avec une vision claire et une institutionnalisation croissante. Il a mis plus de vingt ans pour bâtir un empire cimentier avant de lancer sa mégaraffinerie et a consolidé son assise nigériane avant de se déployer en Afrique de l’Ouest. Jean Kacou Diagou, fondateur du groupe de bancassurance, a construit un champion ivoirien avant d’acquérir des filiales régionales. Il incarne lui aussi ce modèle où la famille reste le centre stratégique, tout en s’appuyant sur des managers compétents.
Peut-on dire que la transmission est dans l’ADN du « Family Business » ? Comment s’opère le passage intergénérationnel dans les dynasties africaines ?
La transmission est au coeur de l’ADN de l’entreprise familiale à travers le monde. Elle ne se limite pas au transfert d’actifs financiers, mais incarne la continuité d’une vision, de valeurs, et d’une mission entrepreneuriale. Des groupes comme Mulliez en Europe, Tata en Inde, Walton Enterprises (Walmart) aux Etats Unis ou Toyota au Japon démontrent l’importance universelle du passage intergénérationnel.
Dans les dynasties africaines, la transmission intergénérationnelle est un enjeu central pour assurer la pérennité. Elle exige de dépasser la simple succession biologique pour devenir un processus structuré, s’appuyant sur une gouvernance claire et une vision partagée entre générations. La réussite dépend de la capacité à préserver l’identité familiale tout en professionnalisant la gestion et en consolidant l’unité autour d’un projet commun. Les Family Business sont construits pour durer au-delà du fondateur. Il y a fondamentalement une transmission de patrimoine économique, mais aussi de culture, de réputation et d’identité familiale.
Entretien réalisé par Forbes Afrique
https://www.exclusif.net/AMADOU-NIANG-Les-entreprises-familiales-constituent-l-epine-dorsale-de-nos-economies-africaines_a59227.html