Vendredi 24 octobre, aux alentours de midi, une embarcation artisanale transportant 73 jeunes hommes sénégalais a atteint le quai de La Restinga, sur l’île d’El Hierro, dans l’archipel des Canaries. À leur arrivée, ils ont été immédiatement pris en charge par la Croix-Rouge espagnole avant d’être identifiés par la police nationale, conformément au protocole d’accueil des migrants.
Selon les autorités portuaires, le bateau escorté par le Salvamar Navia avait été détecté à environ huit milles au sud de l’île, après cinq jours de navigation en haute mer. Les passagers ont indiqué avoir quitté le Sénégal sans préciser le point exact de départ.
Entre espoir et désillusion
Ce nouvel épisode intervient malgré les engagements pris par les nouvelles autorités sénégalaises, qui avaient multiplié les annonces en 2024 pour freiner l’émigration irrégulière. Le Président Bassirou Diomaye Faye, arrivé au pouvoir à la suite d’une dynamique populaire incarnée par une volonté de rupture, avait déclaré que la jeunesse serait « au centre de l’action publique de l’État », notamment à travers des programmes d’emploi, de financement et d’entrepreneuriat.
Plusieurs migrants interrogés par les ONG ont confié que leur décision était motivée par le manque d’emploi, la cherté de la vie, mais aussi par les difficultés rencontrées dans leurs activités
Une route migratoire toujours active
Malgré les mesures sécuritaires renforcées sur les côtes sénégalaises depuis 2024, les départs continuent. La route de l’Atlantique reste l’une des plus périlleuses au monde mais également l’une des plus utilisées par les candidats à l’exil. Selon les dernières données du HCR, près de 14 000 personnes (13 780 au 19 octobre 2025) ont rejoint les îles Canaries depuis le début de l’année.
Toutes routes migratoires confondues, 29 799 migrants sont entrés en Espagne depuis janvier 2025.
L’arrivée de cette pirogue à El Hierro révèle un malaise persistant au Sénégal, un pays où la jeunesse représente plus de 60 % de la population. Malgré les plans annoncés, beaucoup continuent d’estimer que les opportunités ne suivent pas la rhétorique politique. « Il ne faut pas s’attaquer seulement aux pirogues. Il faut s’attaquer aux raisons pour lesquelles les jeunes montent dedans », insiste un acteur associatif à Dakar.
Pour les 73 jeunes arrivés ce vendredi aux Canaries, l’espoir d’une vie meilleure s’est transformé en procédure administrative et incertitude quant à leur avenir. Mais pour beaucoup de Sénégalais restés au pays, leur traversée illustre surtout un constat brutal : tant que les conditions économiques ne changeront pas, la mer restera leur dernier recours.
