Le collectif GenZ 212 a pris de court les autorités marocaines avec ses manifestations, inédites par leur spontanéité, pour de meilleurs services publics de santé et d’éducation. Que sait-on de ce mouvement?
Comment le mouvement GenZ 212 a vu le jour?
Ce groupe est apparu récemment sur les réseaux sociaux sous un nom qui fait référence à la génération née entre la fin des années 1990 et le début des années 2010 ainsi qu’à l’indicatif téléphonique du Maroc (+212).
L’élément déclencheur a été le décès, mi-septembre à l’hôpital d’Agadir, de huit femmes enceintes admises pour des césariennes, selon un de ses premiers membres qui n’a pas souhaité révéler son identité. Un espace de discussion est alors créé sur la plateforme Discord autour de la dégradation des secteurs publics de la santé et de l’éducation.
Comment le mouvement a décidé de protester dans la rue?
Les fondateurs du mouvement sont inconnus car la participation sur leur espace Discord est anonyme. Ils se décrivent comme des « jeunes libres », sans affiliation politique et disent agir par « amour de la patrie et du roi » Mohammed VI. Des débats sont animés chaque soir et se terminent par un vote.
C’est ainsi qu’ils ont voté pour sortir manifester pacifiquement les 27 et 28 septembre dans plusieurs villes. Un appel qui n’a pas été pris au sérieux ni par les observateurs ni par les médias.
Depuis l’interdiction des premières manifestations, le nombre d’adhérents sur Discord a explosé, atteignant vendredi près de 170.000 membres sous pseudonyme.
Dans la rue, les manifestations ont rassemblé entre des dizaines et des centaines de jeunes.
Le collectif affirme rejeter toute forme de violence. Trois personnes ont toutefois été tuées par des gendarmes alors qu’elles tentaient « de prendre d’assaut » une brigade de gendarmerie près d’Agadir, selon les autorités.
Quelles sont ses revendications?
D’abord une réforme des systèmes publics de l’éducation et de la santé, deux secteurs qui révèlent l’ampleur des inégalités sociales au Maroc.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, dans un document adressé au roi, le collectif a aussi appelé au départ du gouvernement. Avant d’affirmer vendredi que son message n’avait pas été formulé dans sa version « définitive ».
Au Maroc, les hôpitaux publics sont saturés et manquent de personnel et d’équipements par rapport aux cliniques privées en plein essor.
Ce qui entrave l’accès aux soins pour les populations défavorisées, malgré la généralisation de la couverture médicale en 2021.
« Nous sommes parfois obligés de payer des pots-de-vin » pour avoir un lit d’hôpital, confie Fatima Zahra, 20 ans, qui manifestait lundi à Rabat.
Quant aux écoles publiques, elles sont marquées par des classes surchargées et des locaux délabrés.
Selon les chiffres officiels, le manque d’éducation est responsable de 47,5 % des cas de pauvreté, malgré une baisse du niveau général de pauvreté de 11,9% en 2014 à 6,8% en 2024.
Est-ce que les GenZ 212 rejettent l’organisation du Mondial 2030?
Dans ses revendications, le mouvement ne fait aucune mention de l’organisation conjointe de la Coupe du monde 2030 avec l’Espagne et le Portugal.
Cependant, les slogans « Nous ne voulons pas de la Coupe du monde » et « Les stades sont bien conçus, mais où sont les hôpitaux? » ont été scandés lors de certains rassemblements.
La question a été soulevée parmi les membres sur Discord « non pas pour rejeter l’organisation du Mondial mais pour demander que les mêmes efforts déployés pour construire des stades le soient pour la construction d’hôpitaux », selon un membre.
La rénovation de six stades et la construction d’un autre gigantesque d’ici 2028 coûteront environ 15,5 milliards de dirhams (environ 1,4 milliard d’euros), selon des chiffres officiels.
Le royaume mise sur des investissements encore plus importants dans les infrastructures d’ici 2030, notamment dans les transports ferroviaires (environ 7,6 milliards d’euros), la 5G (environ 6,8 milliards d’euros) et les aéroports (3,2 milliards d’euros).
Pourquoi ce collectif a surpris?
Si les manifestations sociales sont courantes au Maroc, l’émergence d’un mouvement de jeunesse se revendiquant comme apolitique a pris de court par sa spontanéité et la rapidité de sa mobilisation.
Même si, comme le rappelle le politologue Mohamed Chiker, « les jeunes expriment leur colère depuis des années dans les stades de football », la jeunesse a souvent pu être perçue comme désengagée.
Or le mouvement montre au contraire une prise de conscience sociale et politique forte chez les jeunes.
     
 
   
   
                 
                