La 23e commémoration du naufrage du Joola, organisée ce vendredi 26 septembre à Ziguinchor, a pris une dimension bouleversante grâce à l’intervention de Sira Gassama, orpheline du drame. Face aux autorités et aux familles endeuillées, sa voix a transpercé le silence d’un plaidoyer vibrant : « Nous ne sommes pas là pour oublier, mais pour faire mémoire. »
Dès l’entame de son discours, elle a rappelé que la tragédie du 26 septembre 2002 n’est pas un souvenir figé mais une blessure nationale toujours vive. Dénonçant les « effaceurs du Joola », elle a accusé l’indifférence et le silence institutionnel d’avoir aggravé la douleur des familles. « La douleur la plus profonde, ce n’est pas seulement celle des pertes humaines. C’est celle d’un drame dont on détourne les yeux. D’un pays qui a trop longtemps fermé les siens », a-t-elle martelé.
Orpheline depuis l’âge de 11 ans, elle a rappelé que les 1 863 victimes officiellement reconnues – et bien plus en réalité – n’ont jamais bénéficié de la reconnaissance ni de la réparation attendues. Pour elle, ce naufrage n’est pas le fruit du destin, mais celui d’un « système défaillant » et d’une « négligence institutionnelle ».
S’adressant directement aux nouvelles autorités, elle a lancé un appel solennel : « Monsieur le Président Bassirou Diomaye Faye, Monsieur le Premier ministre Ousmane Sonko, vous incarnez un espoir. Ce que nous attendons de vous, c’est une mémoire réparatrice. »
Dans un plaidoyer structuré, elle a exigé la justice pour les victimes, la vérité sur les responsabilités, le renflouement de l’épave, et la restitution des ossements, « non pas comme une manœuvre politique, mais comme un acte de respect envers les morts et les vivants ». Elle a aussi plaidé pour une véritable politique de mémoire, la création d’un musée vivant et la réhabilitation des victimes.
« Le Joola est une cicatrice. Pas à cause des passagers, mais parce qu’un système l’a rendu possible. Et ce système pèse encore sur notre conscience collective », a-t-elle insisté.
Lorsque ses mots se sont tus, un silence pesant a envahi la foule, comme une preuve que la vérité, dite sans détour, impose toujours le respect. Sira Gassama a conclu par une phrase lourde de sens : « Que ce moment ne soit pas un simple rituel. L’heure n’est plus au souvenir passif. Elle est à la reconnaissance active. » Le Joola, plus qu’un naufrage, reste une dette de mémoire. Une urgence de vérité.