Il y a des images qui dépassent la simple photographie pour devenir des signes politiques. Celle de Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko, captée hier au Palais quelques minutes avant l’annonce du remaniement, en fait partie. Elle n’est pas anodine : elle raconte beaucoup plus qu’un moment figé. Elle met en scène une manière nouvelle d’habiter le pouvoir au Sénégal.
Dans cette photo, deux corps rapprochés, deux regards concentrés, deux gestes orientés vers un même objectif. Rien d’ostentatoire, rien de théâtral. Mais tout y est : la proximité comme gage de confiance, la concentration partagée comme promesse d’action, la complémentarité comme méthode de gouvernance.
Nous avons connu d’autres duos de pouvoir dans notre histoire récente. Abdoulaye Wade et Idrissa Seck s’étaient affichés complices un temps, mais leurs postures corporelles laissaient transparaître une méfiance, un duel latent. Nelson Mandela et Thabo Mbeki en Afrique du Sud projetaient l’image d’un mentor préparant son héritier. Emmanuel Macron et ses Premiers ministres, eux, campaient une hiérarchie stricte, où le président restait le centre de gravité.
La singularité de l’image Diomaye–Sonko, c’est qu’elle échappe à ces registres. Ici, point de rivalité, pas de rapport de filiation, encore moins de verticalité écrasante. Ce que cette photo suggère, c’est une coprésidence assumée, un binôme qui avance en bloc, sans fissure visible. Une rupture forte dans un pays où la présidence a toujours été l’incarnation d’un seul homme.
Il faut lire aussi le message implicite : au moment d’un remaniement, exercice toujours sensible qui peut être interprété comme un signe de fragilité, la mise en avant de ce duo complice vise à rassurer. Elle dit : « Nous décidons ensemble. Rien ne se fera sans l’autre. Le cap est clair. »
En réalité, cette photo n’est pas qu’un instant volé. Elle est une mise en scène volontaire, une narration visuelle. Elle cherche à inscrire dans l’imaginaire collectif une idée fondatrice : le Sénégal expérimente une nouvelle manière d’exercer le pouvoir, plus horizontale, plus collégiale, plus fraternelle.
On peut discuter de la durabilité d’un tel modèle. L’histoire politique nous rappelle que les duos finissent souvent par s’entrechoquer. Mais en l’état, l’image capte une promesse : celle d’un exécutif soudé qui, dans les moments décisifs, choisit la proximité et la connivence comme langage politique.
Au fond, ce samedi, le Sénégal n’a pas seulement assisté à un remaniement. Il a vu, dans une photo, se dessiner un style de gouvernance inédit. Et c’est peut-être cela, le plus grand acte de communication de ce début de mandat.