Dans une sortie inhabituellement musclée, la Croix-Rouge a mis en garde samedi 30 août Israël contre une évacuation massive de la population de la ville de Gaza. Alors que l’État-hébreu durcit le siège de l’agglomération en vue d’une offensive annoncée comme majeure contre le Hamas palestinien dans cette ville, l’organisation humanitaire prévient qu’un tel projet est « impossible » et « incompréhensible ».
« Il est impossible que l’évacuation massive de la ville de Gaza puisse être menée à bien de manière sûre et digne dans les conditions actuelles », a déclaré la présidente du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Mirjana Spoljaric. Un tel projet est « non seulement irréalisable, mais aussi incompréhensible » si Israël entend respecter les principes du droit international humanitaire, a-t-elle estimé.
L’armée israélienne a déclaré officiellement vendredi la ville de Gaza « zone de combat dangereuse », en vue de son offensive majeure à venir. L’armée n’a pas explicitement appelé à une évacuation de la ville, mais un porte-parole a jugé mercredi qu’elle était « inévitable ». Malgré les pressions croissantes à l’étranger et en Israël, le gouvernement du Premier ministre Benyamin Netanyahu affirme vouloir poursuivre l’offensive dans la bande de Gaza et l’ordre a été donné à l’armée de préparer un assaut généralisé sur la ville de Gaza.
Après bientôt 23 mois d’une guerre ayant dévasté la bande de Gaza, l’évacuation de la ville deGaza « entraînerait un déplacement massif de population qu’aucune zone de la bande de Gaza ne serait en mesure d’absorber », a averti Mme Spoljaric. « Si un ordre d’évacuation est donné, selon le droit humanitaire international, Israël doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour s’assurer que les civils bénéficient de conditions satisfaisantes en termes d’abris, d’hygiène, de santé, de sécurité et d’accès à la nourriture (…). Ces conditions ne peuvent pas actuellement être remplies à Gaza », poursuit-elle.
Selon une estimation de l’ONU, environ un million de Palestiniens se trouvent dans la ville de Gaza. Des milliers d’habitants ont déjà fui la ville, située dans le nord du territoire, où vivent près d’un million de personnes, selon les estimations de l’ONU.
Les règles pour une évacuation de Gaza-ville respectant le droit international ne sont pas respectées dans le cas présent, analyse François Dubuisson, professeur de droit international à l’Université libre de Bruxelles et membre de l’association Jurdi – juristes pour le respect du droit international.
Intensification des opérations
Ces trois dernières semaines, Israël a intensifié ses bombardements aériens sur Gaza et multiplié les opérations en périphérie de cette ville, la plus grande du territoire frappé par la famine selon l’ONU. Pour M. Netanyahu et ses alliés d’extrême droite, il s’agit d’en finir avec le Hamas, le mouvement islamiste palestinien ayant déclenché la guerre le 7 octobre 2023, et de ramener tous les otages enlevés ce jour-là.
La Défense civile de la bande de Gaza, organisation de premiers secours opérant sous l’autorité du Hamas depuis la prise du pouvoir du mouvement dans ce territoire en 2007, a fait état de frappes israéliennes intenses sur les quartiers de Sabra (centre) et Zeitoun (sud-est) et une « escalade » dans le quartier de Cheikh Radouane (nord).
« Les bombardements [de cette nuit] étaient insensés, ils n’ont pas cessé une seconde, et nous n’avons pas dormi », a déclaré Abou Mohammad Kishko, joint par téléphone alors qu’il dit se trouver dans le nord de Zeitoun. « Nous ne pouvions pas non plus respirer correctement à cause des bombes fumigènes, nous suffoquions […] Nous sommes piégés dans nos maisons », ajoute cet homme de 42 ans qui, comme tant d’autres habitants, n’a pas obtempéré aux ordres d’évacuation israéliens parce qu’« il n’y a aucun endroit sûr [dans la bande de Gaza], et nous n’avons nulle part où aller ».
« Près d’un million de personnes vivant dans le gouvernorat de Gaza, n’ont pratiquement nulle part où aller, ni même les moyens de se déplacer, a déclaré vendredi Philippe Lazzarini, chef de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa). Si l’opération militaire se déroule au milieu de la population (…) ce sera un désastre total. »