Les images d’Absa Faye, deuxième épouse du président Bassirou Diomaye Faye, apparaissant aux côtés de sa sœur Oumy, épouse de Me Oumar Youm, figure influente de l’APR et ancien ministre des Forces armées sous Macky Sall au moment de la dernière répression sanglante contre Ousmane Sonko et ses partisans, ont déclenché une vive polémique.
Beaucoup, notamment dans les rangs de Pastef (au pouvoir), n’ont pas apprécié cette proximité affichée au cœur de la délégation présidentielle lors de la visite du chef de l’État à Touba, en prélude au Magal. Les plus radicaux du parti s’interrogent : pourquoi les deux sœurs n’avaient-elles jamais affiché leur complicité entre 2023 et 2024, pour ne le faire qu’aujourd’hui ? Ce qui a davantage alimenté la colère, c’est la révélation qu’Oumy est l’épouse de Me Oumar Youm, l’ancien ministre qui, ces derniers temps, a ravivé les tensions en annonçant une possible plainte contre des proches du Premier ministre Ousmane Sonko.
L’Observateur a recueilli à ce sujet les avis d’un sociologue (Abdoulaye Cissé), d’un communicant (Fernand Mendy) et d’un politologue (Assane Samb).
Pour Abdoulaye Cissé, « la frontière entre vie privée et pouvoir est extrêmement fragile dans l’imaginaire sénégalais. Les épouses de président sont perçues comme des actrices de l’ombre, capables d’influencer les grandes décisions politiques ». S’appuyant sur l’expression wolof « wax taan ak sama njégenaay » (littéralement « discuter avec mon oreiller »), le sociologue rappelle que la première dame est, dans la perception populaire, la première confidente du chef de l’État.
Concernant le cas d’Absa et d’Oumy Faye, il avance deux hypothèses : « Soit elles étaient déjà proches avant l’accession au pouvoir de leurs beaux-frères, rendant leur apparition naturelle ; soit cette proximité est récente, et la présence d’Oumy Faye soulève alors des questions légitimes, compte tenu de son lien avec Me Oumar Youm ». Pour lui, cette affaire symbolise « des tensions entre valeurs républicaines et dynamiques familiales, dans un contexte marqué par la demande de justice, notamment pour les 86 morts survenus entre 2021 et 2024 ».
Spécialiste en communication publique, Fernand Mendy estime que « les critiques concernant la présence de Oumy Faye dans la délégation présidentielle ne sont pas infondées : elles traduisent une vigilance populaire légitime, surtout envers un régime élu sur la promesse de rupture avec les pratiques familiales du passé ». Selon lui, cette image ravive « une mémoire collective douloureuse, marquée par les dérives de gouvernements précédents, où le pouvoir a souvent été perçu comme une affaire familiale ». Il insiste sur « la nécessité pour la présidence d’adopter une communication claire, anticipée et transparente ; chaque apparition officielle et chaque accompagnant symbolisant l’image de la République ».
L’analyste politique Assane Samb tempère. Il juge la polémique « ridicule et dangereuse ». « Absa Faye est libre de ses fréquentations, surtout en l’absence de statut officiel de Première dame. Seul le président est responsable de son entourage, et focaliser sur ses proches constitue un moyen détourné de fragiliser le pouvoir », affirme-t-il.
Selon lui, la diabolisation excessive de la famille présidentielle pourrait, paradoxalement, renforcer la sympathie du public envers le couple présidentiel. De plus, prévient le politologue, « le clanisme et l’obsession de chercher la trahison là où il ne s’agit que de liens familiaux normaux nuisent au débat politique ».