La dette est trouvée sur les lieux du crime (économique) et c’est le coupable idéal.
Il est vrai qu’une dette non maîtrisée est toxique pour une économie mais elle ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Les performances de l’administration et de l’assemblée nationale sont des clés du progrès économique.
La dette paye mais elle n’est pas payée
La dette a permis aux différents gouvernements d’avoir un bilan (infrastructurel souvent) à présenter avant chaque échéance électorale et cela a souvent marché, donc elle paye. Mais puisqu’on s’endettait pour payer d’anciennes dettes, elle n’est pas payée.
Ayant le statut de présumé coupable (des problèmes économiques), la dette a fait l’objet de plusieurs mesures de riposte à l’échelle internationale. C’est le cas de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) lancée en 1996, l’initiative d’allègement de la dette multilaterale (IADM) mise en place en 2005, l’initiative de suspension du service de la dette (ISSD) entrée en vigueur en 2020.
Depuis 2004, année à laquelle le Sénégal a atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE (donc pouvant bénéficier d’allègement de sa dette), notre pays est sous protection rapprochée contre la menace que constitue la dette, à travers des programmes et actions en sa faveur. En même temps, les gardes du corps (commandés par le FMI) l’ont laissé prendre des rendez-vous avec le suspect (la dette) sur la place publique (marché des eurobonds). Résultat : des blessures graves (dette de 119% du PIB) occasionnant un congé forcé (sur les marchés financiers internationaux). ́La visite de travail du FMI à Dakar, qui est en cours depuis le 18 et qui va prendre fin le 26 Août, constitue un examen médical dont le résultat sera déterminant pour la reprise des activités.
Pourquoi « juger » (auditer) la dette et pas les recettes fiscales ?
Qui cache une dette peut cacher une recette fiscale, non fiscale ou une dépense. Pourquoi ne dit-on pas que les citoyens doivent auditer la pertinence des objectifs de mobilisation de recettes et la véracité des chiffres publiés ?
On semble oublier qu’en plus du ratio dette/PIB qui est un ratio de solvabilité, il y a des ratios de liquidité comme le service de la dette extérieure rapporté aux exportations d’une part et aux recettes budgétaires d’autre part avec des seuils de 21% et 23% à ne pas dépasser.
L’audit citoyen de la dette est une idée géniale mais il se heurte à une réalité qu’il faut intégrer, à savoir qu’on a une administration qui est censée travailler pour les citoyens, une assemblée nationale et des corps de contrôle qui doivent jouer leur rôle.
On a accusé le franc CFA, maintenant on accuse la dette. Ma conviction profonde est que même si on change de monnaie et qu’on annule toute la dette sans réussir à accroître la performance et la transparence de l’administration et de l’assemblée nationale, nous aurons encore un débat sur la monnaie et la dette, quelques années plus tard.
Pr Abou KANE
FASEG/UCAD