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Les Gambiens persécutés pour « sorcellerie » sous l’ère Jammeh toujours stigmatisés (étude)

Les Gambiens persécutés pour « sorcellerie » sous l’ère Jammeh toujours stigmatisés (étude)

Des centaines de personnes accusées de faits de sorcellerie et persécutées en Gambie il y a plus de dix ans sous la dictature de Yahya Jammeh font toujours l’objet de stigmatisation sociale dans le pays et restent traumatisées, révèle une étude publiée mercredi.

En 2008-2009, une « chasse aux sorcières » avaient été lancée en Gambie, semant la terreur dans ce petit pays d’Afrique de l’Ouest.

Des hommes et des femmes étaient kidnappés dans leurs villages par de présumés « guérisseurs de sorciers » qui intervenaient avec le soutien d’hommes armés appartenant aux forces de l’ordre.

Ces villageois étaient notamment conduits dans le village natal du président Jammeh ou dans des centres de détention secrets. Ils y étaient battus, torturés, forcés à boire des potions hallucinogènes pour être « traités » de force, avec de graves conséquences sur leur santé pour nombre d’entre eux, avaient rapporté les témoins.

Selon Amnesty International, un millier de personnes avaient alors été enlevées avec le soutien du gouvernement.

Les raisons n’en étaient pas claires. Yahya Jammeh, au pouvoir jusqu’en 2017 et qui vit aujourd’hui en exil en Guinée équatoriale, passe pour être extrêmement superstitieux, et aurait cru que des sorciers avaient causé la mort de sa tante.

La Gambie, petit pays anglophone enclavé dans le Sénégal, a plongé dans l’horreur sous l’ère Jammeh (1994-2017) et été le théâtre de violations des droits humains (meurtres, tortures, viols…) et d’une féroce répression.

Ces persécutions pour sorcellerie ont laissé des cicatrices psychologiques et sociales qui perdurent aujourd’hui pour les victimes, mais aussi pour leurs familles et communautés d’origine, rapporte une nouvelle étude du Journal of Community and Applied Social Psychology, menée par l’Université anglaise Anglia Ruskin, en collaboration avec l’Université de Gambie et l’Université de Nottingham Trent.

L’étude, financée par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), a été menée en 2022 dans cinq des communautés les plus affectées par ces rafles, dans l’ouest de la Gambie. Quelque 153 personnes ont été interrogées.

– « Réparation » –

Pour 89% des participants de l’étude, ces persécutions ont été organisées pour terroriser les gens et les empêcher de s’opposer au dictateur Jammeh, ou pour créer des divisions (pour 87% des participants).

Mais 25% des participants sont d’avis que les rafles étaient motivées par une menace de la société émanant de sorciers.

La croyance dans la sorcellerie reste importante en Gambie, en particulier dans les zones rurales, où les prétendues sorcières – souvent des veuves âgées – sont accusées d’être la cause de certains décès, de maladies, d’infertilité, de déboires financiers.

Mais le fait que ces accusations de sorcellerie aient été organisées par les autorités elles-mêmes sous l’ère Jammeh en fait une situation unique, souligne à l’AFP l’auteur de l’étude, le chercheur Mick Finlay, de l’université Anglia Ruskin.

Les personnes interrogées dans l’étude ont le sentiment qu’il faudrait que les conséquences et traumatismes de ces persécutions soient gérés par les communautés et même au niveau du gouvernement.

« Les victimes ont souvent dit, +nous voulons que le gouvernement prenne la parole et dise à tout le monde que nous ne sommes pas des sorciers+ », rapporte M. Finlay.

« Ce sont vraiment des choses basiques en terme de réparation de la réputation des personnes qui doivent être mises en place après des dictatures (…) », ajoute le chercheur.

Une Commission vérité, réconciliation et réparations, établie notamment pour enquêter sur les violations des droits humains entre 1994 et 2017, a recommandé l’élaboration d’une loi qui criminaliserait les accusations de sorcellerie. Selon la Commission, 41 personnes sont mortes en 2009 lors de ces persécutions.

Les victimes interrogées dans l’étude disent être toujours l’objet de stigmatisation et de commérages. Elles évitent souvent de participer aux évènements de la vie locale.

« Les gens ont tendance à nous éviter », a déploré l’une des victimes. « Nous n’assistons pas aux funérailles ni aux cérémonies de naissance ».

Les victimes ont eu tendance à s’isoler du reste de la société et une stigmatisation étendue à leurs familles, enfants et plus largement à leur communauté a été constatée.


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