Moins de quatre mois après l’investiture de Bassirou Diomaye Faye à la tête du Sénégal, Aminata Touré, dite « Mimi », fait un retour remarqué sur la scène politique nationale. L’ancienne Première ministre de Macky Sall a été nommée, en août 2024, haute-représentante du chef de l’État, une fonction jusque-là tenue dans l’ombre par Moustapha Niasse.
Une nomination discrète, mais stratégique, qu’Aminata Touré assume pleinement. « Je ne m’ennuie pas. Cela se passe très bien. Je représente le chef de l’État sur des dossiers qu’il souhaite me confier, je le conseille sur un champ de compétences assez large », explique-t-elle depuis sa résidence à Ngor Virage, face à la mer.
Sans portefeuille ni cabinet officiel, elle n’en reste pas moins active. De nombreux déplacements internationaux ponctuent désormais son agenda. Fin juin, elle représentait le Sénégal à la Conférence internationale sur le financement du développement, organisée en Espagne par le Club de Madrid, dont elle est membre. Un mois plus tôt, elle participait aux célébrations du cinquantenaire de la CEDEAO à Lagos, au nom du président Faye.
« Toutes ces activités ne font pas nécessairement l’objet de communication publique », précise-t-elle, insistant sur la dimension confidentielle de ses nouvelles missions. Cette posture plus effacée contraste avec ses anciennes fonctions au cœur du pouvoir exécutif.
Une rupture assumée avec Macky Sall
Pour Aminata Touré, cette reconversion politique marque une consécration après son engagement actif dans la coalition « Diomaye Président 2024 ». Elle avait quitté bruyamment le camp présidentiel de Macky Sall en septembre 2022, après avoir été écartée de la présidence de l’Assemblée nationale au profit d’Amadou Mame Diop. Une humiliation qui l’avait conduite à une rupture politique nette.
« La contradiction principale avec Macky Sall, ce n’était pas la fonction de présidente de l’Assemblée nationale. C’était sa volonté de briguer un troisième mandat, à laquelle j’étais opposée », déclare-t-elle. Elle affirme avoir agi par conviction au moment où le président sortant avait tenté de reporter l’élection présidentielle prévue en février 2024 : « Nous avons transcendé nos égos pour l’avenir du Sénégal ».
De la critique de Sonko à l’alliance tactique
Pourtant, en 2022, elle n’épargnait pas Ousmane Sonko, qu’elle jugeait alors radical. « Oui, j’avais critiqué Ousmane Sonko en 2022. Nous étions concurrents. Mais il y avait un risque de basculement du pays dans l’inconnu. Les manifestations [de juin 2023] ont fait plusieurs morts », justifie-t-elle. Elle explique que le contexte politique a imposé un dépassement : « Cela n’a donc pas été un problème, pour moi, de rejoindre l’opposition et Ousmane Sonko ».
Un itinéraire entre engagement social et hautes fonctions
Née en octobre 1962, Aminata Touré a fait ses armes dans le militantisme aux côtés de Landing Savané, avant de suivre un parcours international au sein de l’ONU, où elle fut directrice des Droits humains au Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA). Diplômée en économie de l’Université de Grenoble, elle revendique une formation politique forgée dans les mouvements d’extrême gauche.
En 2012, elle revient au Sénégal pour accompagner Macky Sall dans sa conquête du pouvoir, devenant tour à tour ministre de la Justice, Première ministre, envoyée spéciale et présidente du Conseil économique, social et environnemental (CESE).
« Je voulais servir mon pays et contribuer à le faire avancer. L’épanouissement n’est pas que financier. C’était une bonne décision », confie-t-elle au sujet de son départ des Nations unies.
De toutes les fonctions qu’elle a exercées, Aminata Touré retient particulièrement celle de ministre de la Justice : « Cette fonction cadrait bien avec ma condition de militante de la justice sociale ». Mais elle admet que le poste de Première ministre fut le plus exigeant : « C’est le plus prenant, sans commune mesure. Mais on y trouve une satisfaction ».