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Nigeria : l’ancien président Muhammadu Buhari est mort

Nigeria : l’ancien président Muhammadu Buhari est mort

L’ancien président nigérian Muhammadu Buhari est décédé ce 13 février 2025 à l’âge de 82 ans, a annoncé son ancien porte-parole. Figure marquante et controversée de la vie politique nigériane, il restera dans l’histoire comme un homme à double visage : militaire putschiste dans les années 1980, puis président élu en 2015 après une longue traversée du désert.

Né en 1942 dans l’État du Katsina, dans le nord du Nigeria, Muhammadu Buhari grandit dans une famille peule nombreuse. Il perd son père à l’âge de quatre ans. Sa mère l’envoie à l’école, puis à l’académie militaire au moment de l’indépendance. Il se forme ensuite comme officier d’infanterie en Grande-Bretagne, où il développe une rigueur qui marquera toute sa vie publique.

Propulsé sur le devant de la scène après avoir brillamment défendu les intérêts nigérians face à une incursion tchadienne sur le Lac Tchad, il devient rapidement gouverneur, puis ministre du Pétrole sous le général Olusegun Obasanjo. Mais c’est en 1983, à 41 ans, qu’il entre brutalement dans l’histoire, en renversant par un coup d’État le président élu Shehu Shagari, qu’il accuse de corruption. Il impose alors un régime militaire sévère, où la discipline prend le pas sur les libertés.

Sous son règne militaire, les fonctionnaires en retard doivent faire des sauts de grenouille en public, les citoyens doivent faire la queue en silence aux arrêts de bus, et la critique est muselée. Le musicien Fela Kuti, figure de contestation, est emprisonné sous un prétexte jugé fallacieux. Le terme « Buharism » est alors forgé pour décrire ce mélange de rigueur, de populisme autoritaire et de gestion répressive de l’État.

Renversé en 1985 par un autre général, Ibrahim Babangida, Buhari passe trois années en résidence surveillée avant de revenir à la vie politique… par la voie des urnes.

Le retour du civil
Après plusieurs tentatives infructueuses, Muhammadu Buhari est finalement élu président en 2015, à 73 ans, devenant le premier opposant à battre un président sortant dans les urnes. Il est alors perçu comme l’incarnation d’un retour à l’ordre, dans un pays rongé par la corruption et le terrorisme.

Son élection face à Goodluck Jonathan marque un tournant démocratique. Mais son second mandat est vite terni par un rythme d’action jugé lent, une absence prolongée pour raisons de santé, et une crise économique provoquée par la chute du prix du pétrole.

Un président malade, une démocratie affaiblie
Surnommé « Baba-Go-Slow », Buhari tarde à former son gouvernement et laisse planer le doute sur son état de santé. En 2017, il passe plus de cinq mois hors du pays pour raisons médicales. Cette période est marquée par une perte de contrôle politique. Sa propre épouse, Aisha Buhari, critique publiquement son isolement et affirme qu’il est « pris en otage » par une clique de conseillers.

La situation économique se dégrade : récession, inflation, explosion du chômage, endettement massif… Le Nigeria devient la première économie africaine… en nombre de pauvres. La crise sécuritaire persiste malgré les coups d’arrêt portés à Boko Haram, que Buhari n’est pas parvenu à éradiquer.

En 2019, il est réélu dans un climat d’indifférence croissante. Pour beaucoup, il symbolise cette « vieille garde » militaire du Nord qui a longtemps monopolisé le pouvoir dans un équilibre fragile entre les régions pauvres et musulmanes du nord, et les régions riches et chrétiennes du sud.

Son style austère, ses maladresses diplomatiques – comme cette phrase fameuse prononcée en Allemagne selon laquelle sa femme devait rester « à la cuisine, au salon et dans la chambre » – et ses échecs économiques brouillent l’image de rigueur qu’il avait construite.

Pour certains analystes, comme l’écrivain Chigozie Obioma, son mandat est le reflet d’un système politique « voué à l’échec » tant le Nigeria moderne peine à concilier son héritage tribal avec les formes occidentales de gouvernance.

Un militaire resté militaire
Jusqu’à sa mort, Muhammadu Buhari est resté une figure austère, solitaire, d’un autre âge. Son rapport au pouvoir était plus vertical que démocratique. Il laisse derrière lui un héritage ambivalent : celui d’un homme de devoir, certes intègre aux yeux de certains, mais incapable de transformer durablement le Nigeria.

Sera-t-il retenu comme l’homme qui a pacifié Boko Haram ou comme celui qui a bridé les libertés ? Comme le premier opposant victorieux dans les urnes ou le général impassible face à la souffrance de ses concitoyens ?

À la lumière de son parcours, une chose semble certaine : Muhammadu Buhari restera dans l’histoire comme un président que le Nigeria n’oubliera pas… mais peut-être pas pour les raisons qu’il aurait souhaitées.


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