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A l’élite intellectuelle sénégalaise qui cautionne la révolution, vous avez trahi la raison(Par Pascal OUDIANE)

A l’élite intellectuelle sénégalaise qui cautionne la révolution, vous avez trahi la raison(Par Pascal OUDIANE)

UNE LETTRE DE SOCIOLOGIE
Une lettre à la place d’une leçon de sociologie relève de l’humilité qu’impose la charge scientifique. Nos sociétés du fond de leur ingratitude et mesquinerie ont préféré les escortes épistolaires qui vous accompagnent dans les moments oniriques et récréatifs aux donneurs de leçons qui semblent plus austères et qui vous remettent le nez dans la réalité et l’odeur des faits.

Après plus d’une décennie d’exercice d’enseignement et de recherche ut doctor universitatis, nous sommes d’accord pour adresser une lettre à la puanteur sociale car c’est une tueuse.

Notre adresse se libère de toute détermination institutionnelle pour servir la neutralité axiologique. Le scientifique est libre et rationnel. La course à la titraille au même titre que la dépendance végétative à l’Etat ne fait pas le scientifique. Celui-ci appartient à l’universel comme l’a précisé Aristote Aristidis. Nous admettons l’idée du scientifique citoyen. La nécessité s’impose par conséquent de répondre aux besoins de nos sociétés.

  • A une société politique de coexistence entre une majorité et une minorité
  • A notre démocratie qui à l’instar du développement n’est pas un fait achevée mais dynamique.
  • A nos dirigeants : si votre parcours ne peut être conté à nos enfants alors exemplaire vous ne l’êtes point.
  • A notre société et à notre peuple
  • Au monde universitaire, pauvre en pluridisciplinarité et en innovation : le savoir est bel et bien en crise.
  • A l’élite intellectuelle qui cautionne la révolution, vous avez trahi la raison.

A cette élite qui cautionne la révolution, nous la préférons à Sémou Pathé GUEYE dont la maturité scientifique a été de son vivant et encore après sa disparition sans équivoque.

La révolution n’est pas démocratique avait-il écrit le professeur Sémou P. GUEYE. Aurait-il soutenu le contraire en ces temps actuels, s’il était en vie ?  Je crois que Non. Parmi les professeurs et intellectuels pour respectivement ne citer que Mamadou DIOUF, Felwine SARR, Jacques Habib SY, Dialo DIOP, les seniors intellectuels du PASTEF, on ne comptera pas le philosophe qui a fait pourtant ses classes dans l’idéologie communiste.

Allons savoir que Mao n’est pas sociologue donc la révolution n’est pas sénégalaise. La sociologie révolutionnaire sonne aussi mal au point qu’elle serait comparable à un sénégalais bon teint qui se serait donné pour surnom Bruce Lee. On ne va lui reprocher son goût personnel pour la chose culturelle chinoise mais aussi va-t-on se priver de lui demander s’il ambitionne de siniser le Sénégal ? Entre sociologue, nous savons ce que veut dire la chose dans le fait social et l’institutionnalisme méthodologique. Il nous faudra du temps pour nous habituer à ce glissement de paradigme. Dans un sens figuré, sur une photo, le sénégalais français fait moins drôle que le sénégalais chinois.

Autrement dit, la démocratie est plus digeste que la révolution pour le sénégalais. On arrive même à oublier que la France a fait sa révolution. Mais celle de la chine est encore vivace parce qu’on ne connait pas bien Mao Zé Dung.

La démocratie est abandonnée et trahie. La rigueur du ton politique et les arrestations pour délit d’opinion de chroniqueurs, de journalistes, de politiques sont révélatrices de ce point de vue. Il est juste de condamner toutes ces arrestations depuis le cas Ahmet Suzanne CAMARA, Bah DIAKHATE, Moustapha DIAKHATE, Abdou NGUER, Bachir FOFANA, Badara GADIAGA. Cette petite liste est loin d’être exhaustive. Que cherche-t-on aussi à vouloir étouffer la presse par la pression fiscale ?  A-t-on mesurer à travers ces nombreuses mesures de licenciements et de couperets fiscaux les dégâts provoqués en termes de chômage et de dislocation de familles qui restent pour nous encore la première institution sociale et d’équilibre sociétal.

La cause de cet état de fait est que la raison a été abandonnée et trahie. La raison est l’énergie de la démocratie. Elle permet le discernement par la force de la réflexion nécessaire pour arbitrer les différences. Elle proscrit la violence et promeut l’interlocution contradictoire.

Nul ne peut et ne doit refuser la contradiction car elle fait partie du jeu social et encore mieux du jeu naturel. C’est bien trop d’ambitions de vouloir corriger la nature sociale.  En décrétant le changement total, on utilise la force pour écraser la résistance.  C’est cela la révolution. Le changement ne se décrète pas, il se construit. Le changement se fait de manière incrémentale et homéopathique et n’impose pas une modification totale en un temps T. La démocratie, c’est le changement qui se construit afin que tout le monde s’en approprie.

A tous ces intellectuels qui ont soutenu le projet de révolution, ils ont trahi la raison.  En trahissant la démocratie, vous avez trahi la raison.
Ceci n’est qu’un paragraphe de tout ce qu’on peut dire sur le vécu social, citoyen et élitiste des populations du Sénégal actuel.
Qu’en est –il de la société politique de coexistence entre majorité et minorité : l’héritière de la démocratie et du changement, c’est la minorité.

Les élections resteront toujours une preuve de démocratie. Elles ont pour qualité de pour donner la parole au peuple. De la même manière qu’il est impossible d’avoir une rationalité collective telle que soutenus par les économistes et certains sociologues de l’individualisme méthodologique, le consensus donc ne peut exister dans la vie des groupes dits larges voire les Nations.

Le pouvoir divin apparait coercitif à force de s’institutionnaliser et d’organiser la société en rapprochant les intérêts individuels. Quant à la force des muscles et de la puissance de l’intelligence destructrice, elles constituent un pouvoir véritable mais elles restent moins durables puisqu’elles se pérennisent par vulgarisation de la peur dont la seule issue pour le dominé ou le gouverné c’est de s’en libérer tôt ou tard par la rébellion. Il faut donc relativiser l’applicabilité de la violence physique et veiller à ce qu’elle soit encadrée par la justice sociale. Il faut en effet, éviter ce cas de figure où on se défait de la force légitime dominatrice par la force destructive rebelle et révolutionnaire.

Les deux pouvoirs précités qui se sont manifestés par la noblesse de robe et par la noblesse d’épée instituent la culture de la hiérarchie dans la gouvernance des intérêts individuels et collectifs. Il est dit que si nous ne pouvons pas nous accorder pour une gouvernance par consensus donc gouvernons par la hiérarchie qu’elle soit d’obédience mystico-spirituelle (morale, religion) ,  physico-rationnelle (FDS)  ou rationnelle – légale ( les procédures, la loi) . La hiérarchie ainsi distribuée et garantie est le terrain de la majorité politique.

La majorité influence toujours par l’application de la loi, le respect des statuts et la soumission à l’autorité. Tandis que la minorité dépourvue de tout pouvoir ne peut influencer que par les perceptions et encore, il lui faut du temps pour atteindre son efficacité. Donc laissons à la minorité le jeu des arguments et de la contradiction. C‘est elle qui porte les germes de la démocratie et du changement porteur de salut pour tous. La majorité gouvernante ne change pas ses statuts et sa loi qui pèsent naturellement comme un diktat dans le vécu de la minorité.  Le changement vient toujours de la minorité encore une fois dans sa capacité d’influence de raison. Elle est l’héritière de la démocratie. Si elle ne rayonne pas, la démocratie meurt et entraine avec elle dans la mort toutes perspectives de changement. Toute majorité républicaine doit accompagner la minorité politique et non l’effacer de l’espace public.
 
Pascal OUDIANE
Docteur es sociologie de l’UGB et Enseignant chercheur.
Gouvernance Sans Parti ( GSP)
Société civile sénégalaise.


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