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Ce que Trump a arraché à Kinshasa et Kigali : contenu de l’accord RDC-Rwanda

Ce que Trump a arraché à Kinshasa et Kigali : contenu de l’accord RDC-Rwanda

Les ministres des Affaires étrangères du Rwanda et de la RDC ont signé un accord de paix ambitieux prévoyant le départ des forces rwandaises du territoire congolais, l’éradication des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et un renforcement de la coopération économique régionale. Jeune Afrique en dévoile le contenu.

C’est peu dire que l’accord de paix, signé ce 27 juin aux États-Unis entre le Rwanda et la RDC, porte beaucoup d’espoir. Il doit mettre fin à une guerre qui dure depuis plus de 30 ans, a assuré Massad Boulos, le conseiller spécial du président américain Donald Trump pour l’Afrique, lors de la cérémonie de signature qui se tenait à Washington en présence de la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, et de son homologue rwandais, Olivier Nduhungirehe.

« Vous savez, ils se sont battus pendant des années. Et il y avait des machettes. C’était violent. Pour la première fois depuis de nombreuses années, ils vont connaître la paix. C’est une grande affaire », a quant à lui déclaré Donald Trump. Kinshasa s’est réjoui, en expliquant toutefois que cet accord n’était « que le début, pas la fin », tandis que Kigali s’est félicité d’un texte « fondé sur l’engagement pris ici de mettre fin de manière irréversible et vérifiable au soutien de l’État aux FDLR [milices hutu nées du génocide des Tutsi en 1994] et aux milices associées ».

Respect de l’intégrité territoriale
« Les parties conviennent de mettre en œuvre le Plan harmonisé de neutralisation des FDLR et de désengagement des forces/levée des mesures défensives du Rwanda (CONOPS) du 31 octobre 2024, tel que prévu dans le présent accord. » La médiation américaine s’appuie donc sur les précédents travaux des experts mandatés par les deux pays et qui n’avaient pas été validés faute d’entente politique entre les gouvernements congolais et rwandais, dans un contexte antérieur à la prise de Goma et Bukavu par le M23 et les forces armées rwandaises.

L’accord signé à Washington consacre l’expression de « mesure défensive » utilisée par le Rwanda pour justifier sa présence en RDC. Il lie la levée des forces rwandaises engagées sur le terrain à l’éradication des FDLR, qui collaborent avec l’armée congolaise, selon des rapports du Groupe d’experts des Nations unies. En résumé, chaque partie doit faire un effort, et le Rwanda n’est pas sommé de retirer immédiatement ses soldats de la RDC, évalués à au moins 6 000 lors de la prise de Goma et de Bukavu, en janvier et février dernier.

La réalité de l’accord contraste avec la lecture qu’en fournissait récemment le président congolais Félix Tshisekedi lors d’une interview télévisée, où il évoquait un « retrait inconditionnel des forces rwandaises qui agressent la République démocratique du Congo ». Les deux parties doivent aussi s’abstenir de soutenir des actes hostiles ou des groupes armés qui portent atteinte à l’intégrité territoriale de l’autre pays.

Désengagement des groupes armés
Les deux pays ont recours à des groupes armés non étatiques dans le conflit qui les oppose. La RDC, par exemple, a combattu sur de nombreux fronts grâce à la mobilisation des Wazalendo, diverses milices unies dans le combat contre le M23 et le Rwanda, aux côtés des forces armées congolaises (FARDC). Et ce, même si certains groupes Wazalendo ont tourné casaque et ont rejoint l’AFC/M23 ces dernières semaines.

L’accord oblige le Rwanda et la RDC à cesser « immédiatement et sans condition tout soutien de l’État aux groupes armés non étatiques, sauf dans la mesure où cela est nécessaire pour faciliter la mise en œuvre du présent accord ». L’accord prévoit une forme de réintégration éthique des soldats, au cas par cas, pour éviter d’intégrer dans l’armée ou la police congolaise des éléments soupçonnés ou poursuivis pour crimes de guerre, tels que Guidon Shimiray Mwissa. Ce chef de guerre Wazalendo a été placé sous sanction onusienne.

Le Rwanda doit donc cesser de soutenir la rébellion de l’Alliance Fleuve Congo/M23 (AFC/M23), dont les victoires militaires dépendent en grande partie de l’assistance de son armée. La question du M23 est toutefois toujours en cours de traitement au sein d’un processus de négociations distinct, dit de Doha, mené par le Qatar. Les deux parties s’engagent à soutenir ces pourparlers qataris.

Mécanisme de surveillance réciproque
Pour s’assurer de la bonne application de l’accord, les deux parties conviennent de mettre en place un mécanisme conjoint de coordination de la sécurité (JSCM en abréviation anglaise) dans un délai de 30 jours à compter du 27 juin. Il est composé d’au moins trois représentants permanents de chaque pays, y compris des forces armées, du renseignement et des ministères des Affaires étrangères. Il doit se réunir tous les mois dans chaque pays par alternance.

« Le mécanisme conjoint de sécurité crée des procédures opérationnelles communes et des mécanismes d’établissement de rapports pour assurer la transparence de l’ampleur et de la portée des opérations », explique l’accord. Il vise à s’assurer de « la fin irréversible et vérifiable du soutien de l’État aux FDLR et aux groupes armés associés ». Le mécanisme s’appuie sur le Concept d’opérations, ou Conops, qui encadre également le désengagement de l’armée rwandaise.

« Ils peuvent s’assurer eux-mêmes de l’application de leur accord, mais nous mettrons beaucoup de pression pour s’assurer qu’il soit [appliqué] », a commenté le président Donald Trump depuis le Bureau ovale, où il recevait les deux ministres des Affaires étrangères signataires. En cas de différend, la RDC et le Rwanda pourront saisir le Comité de surveillance conjointe, composé du facilitateur de l’Union africaine, le président togolais Faure Essozimna Gnassingbé, des États-Unis et du Qatar. Le comité doit se réunir pour la première fois à Washington sous 45 jours.

Retour des réfugiés et respect de l’ONU
Le Rwanda et la RDC réactivent l’accord du 17 février 2010, conclu avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, et qui encadre « le retour sûr, volontaire et digne des réfugiés ». Ils s’engagent à soutenir la force onusienne en RDC (Monusco) et reconnaissent son rôle important dans la paix.

Les deux parties s’engagent également à « faire progresser la mise en œuvre de la résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations unies », qui demandait à Kigali « de cesser de soutenir le M23 et de se retirer immédiatement du territoire de la RDC, sans conditions préalables ».

Coopération économique
C’est l’autre gros volet de l’accord : la coopération économique. Washington estime que le commerce peut amener la paix si chacun y trouve son intérêt. Le Rwanda et la RDC conviennent de lancer dans trois mois le cadre d’intégration économique régionale qui sera défini dans un accord distinct. « Les Parties utilisent ce cadre pour développer le commerce extérieur et les investissements provenant des chaînes d’approvisionnement de la région en minerais critiques, et introduire une plus grande transparence, ce qui bloque les canaux économiques illicites et procure davantage de prospérité aux deux parties », décrit l’accord.

Les États-Unis veulent s’assurer de l’établissement d’une chaîne de valeur transparente et débarrassée de la corruption dans l’exploitation des minerais, pour bénéficier de ces ressources souvent issues du marché illicite en zone de conflit et donc impropre à la consommation sur le marché américain. Des entreprises américaines ont déjà montré un intérêt pour certaines zones minières. Le Rwanda et la RDC pourraient aussi collaborer dans la gestion des parcs nationaux, le développement hydroélectrique et la gestion des ressources du lac Kivu.

Et après ?
La signature de cet accord doit précéder une rencontre entre les présidents rwandais Paul Kagame et congolais Félix Tshisekedi dans les prochaines semaines à Washington, pour faire avancer la paix. Les deux hommes s’étaient vus à Doha en mars dernier, ce qui avait relancé les pourparlers de paix.

Cet accord n’est pas une fin en soi : « C’est maintenant que notre travail commence vraiment », a déclaré Thérèse Kayikwamba Wagner à la fin de son allocution lors de la signature du document. L’accord est entré en vigueur, mais il peut également être amendé ou résilié par l’une des parties.


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