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Ghana: des messages anti-chinois avant l’exclusion des étrangers du marché de l’or

Ghana: des messages anti-chinois avant l’exclusion des étrangers du marché de l’or

Au Ghana, pendant des mois, des bots, des comptes automatisés postant des messages générés par intelligence artificielle (IA), ont lancé une campagne en ligne accusant les ressortissants chinois de voler les ressources minières du pays. Juste avant que les autorités ghanéennes n’interdise aux étrangers l’accès au commerce de son or.

Au Ghana, premier producteur d’or en Afrique, entre un tiers et la moitié de la production aurifère provient du secteur minier artisanal et informel, selon un récent rapport de l’ONG suisse SwissAid.

De nombreux investisseurs étrangers y opèrent sans permis et sans respect des normes environnementales, suscitant des accusations de spoliation des terres et de pollution de la part d’ONG et de collectifs citoyens ghanéens.

En avril, le gouvernement ghanéen a pris des mesures pour freiner l’exploitation minière illégale, appelée localement « galamsey », en interdisant aux étrangers de participer au marché de son or et en confiant ce monopole à une nouvelle entité publique, le Ghana Gold Board (GoldBod).

Cette réforme est perçue comme un message fort adressé aux opérateurs miniers étrangers, en particulier chinois.

Mais avant cette interdiction, de faux comptes se faisant passer pour des citoyens ghanéens sur le réseau social X (anciennement Twitter) ont mené une campagne coordonnée, visant à associer explicitement la Chine au galamsey pendant au moins neuf mois, révèlent des comptes consultés par l’AFP et analysés par des experts spécialisés dans la désinformation.

L’identité des personnes derrière ces comptes demeure inconnue à ce jour.

Si des ressortissants chinois sont impliqués, le rôle des Ghanéens est largement ignoré dans ces publications, alors qu’une partie de l’élite politique ghanéenne est accusée d’implication directe, ou de complicité par la population.

–   Comptes supprimés –

« La corruption est un gros wahala (problème) ici, regardez le galamsey, quand les Chinois entrent, tout change radicalement », dit un message écrit en anglais ghanéen, et identifié par des chercheurs contactés par l’AFP comme étant un bot.

« Nous devons les surveiller, ne pas les laisser nous voler notre or comme ils le font dans d’autres pays », ajoute-t-il.

Un autre post accusait les entreprises chinoises de vouloir exploiter les « ressources et laisser notre peuple sans rien ».

Des experts en désinformation sur les réseaux sociaux contactés par l’AFP ont identifié 38 comptes impliqués dans cette campagne.

« Mais il y en a probablement beaucoup plus », précise Darren Linvill, professeur de l’université de Clemson en Caroline du Sud, aux Etats-Unis.

La quasi-totalité des bots repérés par M. Linvill et son collègue Patrick Warren ont cessé de publier sur le galamsey dès mars, juste avant l’interdiction d’avril.

Beaucoup de ces comptes ont depuis été supprimés.

Une formule récurrente utilisée par plusieurs bots depuis juillet 2024 a complètement disparu quelques heures seulement après l’adoption de la nouvelle réforme par le Ghana, selon une recherche sur X.

« Le rôle de la Chine est important, mais il serait trompeur de faire des étrangers les seuls boucs émissaires », estime Senyo Hosi, un activiste contre le galamsey.

– Cibles multiples –

Contactée par l’AFP, Grace Ansah-Akrofi, porte-parole de la police, a indiqué que les forces de l’ordre ont été « vigilantes et proactives dans la détection et le démantèlement de réseaux numériques impliqués dans la désinformation », sans toutefois fournir de détails sur la campagne de bots en question.

Le gouvernement ghanéen et l’ambassade de Chine n’ont pas répondu aux sollicitations dans l’immédiat.

Rabiu Alhassan, directeur de FactSpace West Africa, une ONG basée à Accra, la capitale, spécialisé dans la lutte contre la désinformation, a rappelé que de nombreux acteurs, aussi bien étrangers que locaux, ont des intérêts dans le secteur minier au Ghana.

Il a également souligné que le pays se trouve juste au sud de la région instable du Sahel, où la Russie, l’Occident et d’autres puissances internationales se disputent l’influence.

Les comptes ont également publié des messages sur de la sauce piquante, une équipe de football britannique et le rôle de la Russie dans le conflit au Mali.

Compte tenu de la diversité des cibles, il s’agit probablement de bots loués, selon M. Linvill.

En mai, le GoldBod a mené ses premières arrestations visant des étrangers. Les personnes arrêtées étaient toutes originaires d’Inde.

Et selon le rapport de SwissAid publié en juin, « les Chinois ne sont pas les seuls étrangers dont la présence au Ghana est considérée comme problématique ».

« Ces dernières années, la communauté internationale s’inquiète de plus en plus de voir des groupes armés actifs au Sahel et en Afrique de l’Ouest traverser la frontière ghanéenne, en particulier dans le nord du pays, et se livrer à des activités minières illégales », décrit le rapport.


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