Après avoir intensifié les tensions commerciales à l’international, le président Donald Trump élargit sa stratégie protectionniste en ciblant désormais les transferts d’argent vers l’étranger. Une proposition de loi intégrée dans le projet budgétaire surnommé « One Big Beautiful Bill » prévoit une taxe fédérale de 3,5 % sur les envois de fonds effectués par les non-citoyens américains. Cette mesure, si elle est adoptée, pourrait bouleverser l’équilibre économique de plusieurs pays africains largement dépendants de la solidarité de leur diaspora.
Selon les termes de cette législation, rapportée par le New York Times, toute somme transférée depuis les États-Unis par un migrant vers son pays d’origine serait assujettie à une taxe fédérale supplémentaire de 3,5 %, en plus des frais de transfert usuels qui avoisinent déjà les 6 %. Concrètement, un transfert de 100 dollars coûterait désormais plus de 10 dollars en charges cumulées.
Une mesure aux répercussions transcontinentales
Ce durcissement intervient dans un contexte de repli budgétaire américain, marqué notamment par la suspension récente des financements de l’USAID, qui a fait craindre des perturbations dans les systèmes de santé publique de plusieurs pays partenaires, notamment en Afrique. En visant les transferts privés des diasporas, Washington s’en prend cette fois à une autre source vitale pour les économies africaines.
Le Nigeria, qui capte à lui seul 38 % des transferts vers l’Afrique (19,5 milliards de dollars), figure en tête des pays exposés. Le Sénégal, où les fonds envoyés depuis l’étranger ont atteint environ 3 milliards de dollars en 2023 — soit plus de 10 % du PIB — est également en première ligne. La Banque mondiale classe d’ailleurs le pays parmi les plus dépendants de ces ressources en Afrique francophone.
Les envois de fonds jouent un rôle crucial pour des millions de familles africaines. De la Gambie au Lesotho, en passant par les Comores ou le Liberia, ils peuvent représenter jusqu’à 20 % du produit intérieur brut. Dans le cas du Liberia, ancien territoire de peuplement d’esclaves affranchis américains, près de 19 % du PIB provient de ces flux financiers. Le New York Times alerte sur le risque de « conséquences catastrophiques » si cette manne venait à se réduire brutalement.
D’après le Partenariat mondial pour la connaissance sur la migration et le développement (Knomad), les États-Unis étaient en 2024 le principal pays émetteur de transferts vers l’Afrique subsaharienne, avec près de 10 milliards de dollars sur un total de 56 milliards.
Face à cette nouvelle taxe, de nombreux migrants pourraient chercher des alternatives, notamment via les cryptomonnaies ou les circuits informels comme les coursiers manuels. Une telle tendance accroîtrait les risques de fraudes, d’arnaques et de pertes financières.
Pour certains analystes, cette décision reflète une logique électoraliste et une volonté de Donald Trump de capitaliser sur sa ligne dure anti-immigration en vue de la présidentielle de 2026. Mais elle risque surtout de déstabiliser durablement les liens économiques et humains entre les diasporas africaines et leurs pays d’origine, et de fragiliser les efforts de développement soutenus depuis des décennies par les transferts familiaux.