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Ramaphosa piégé à la Maison-Blanche : John Mahama dénonce une instrumentalisation politique du passé sud-africain

Ramaphosa piégé à la Maison-Blanche : John Mahama dénonce une instrumentalisation politique du passé sud-africain

Invité à la Maison-Blanche mercredi dernier, le président sud-africain s’est retrouvé piégé par son homologue américain, obligé de visionner une vidéo justifiant les accusations de « génocide blanc » envers son pays. Le chef de l’État ghanéen dénonce dans « The Guardian » des attaques « infondées ».

Depuis plusieurs mois, le président américain Donald Trump s’en prend à l’Afrique du Sud, qu’il accuse de discriminer les fermiers blancs, en raison de la promulgation fin janvier d’une loi sur l’expropriation pour tenter de diminuer les inégalités liées à l’accès aux terres, héritées de l’apartheid. Le président américain est allé jusqu’à proposer aux fermiers l’asile aux États-Unis et a accusé le gouvernement sud-africain de « génocide blanc ».

Si toutes ces accusations ne reposent sur aucun fait, et que la plupart des déclarations de Donald Trump lors de sa rencontre avec Cyril Ramaphosa se sont révélées fausses, pour le président ghanéen John Dramani Mahama, les dénoncer ne suffit pas. Dans une interview au journal britannique The Guardian, il tient à rappeler le poids des mots et les décennies de violence contre les Noirs durant l’apartheid.

• Un langage instrumentalisé
Selon le chef de l’État ghanéen, le discours de son homologue américain sur le soi-disant « génocide blanc » est non seulement erroné, mais illustre surtout « clairement comment le langage peut être instrumentalisé pour prolonger les effets d’injustices passées ». Une technique très souvent utilisée dans l’histoire contre les « Africains autochtones », rappelle-t-il.

Et de citer l’écrivain kenyan Ngugi wa Thiong’o, auteur de Décoloniser l’esprit, qui écrit en langue kikuyu : « La conquête linguistique, contrairement à la forme militaire, où le vainqueur doit soumettre directement toute la population, est moins coûteuse et plus efficace. »

• La solidarité entre pays africains
Pour combattre le discours de Trump, encore faut-il se soutenir entre nations africaines, et rappeler les deux siècles de colonisation et les cinquante ans d’apartheid en Afrique du Sud. John Dramani Mahama ne manque pas de citer le premier président du Ghana, Kwame Nkrumah, qui en tant que Premier ministre en 1957, lorsque son pays était devenu le « premier pays d’Afrique noire à se libérer du colonialisme », avait affirmé : « notre indépendance n’a de sens que si elle est liée à la libération totale de l’Afrique ».

Le destin des États africains est « inextricablement lié » veut croire le président ghanéen, qui rapporte que peu après le massacre de Sharpeville, en 1960, au cours duquel la police sud-africaine a tué au moins 69 morts, les Ghanéens ont manifesté pour le dénoncer. « Des personnes qui nous ressemblaient étaient soumises, traitées comme des citoyens de seconde zone, sur leurs propres terres ancestrales. Nous avions mené notre propre version de ce même combat. »

• Des injustices qui perdurent en Afrique du Sud
Malgré la fin de l’apartheid, les conséquences de siècles d’oppression raciale « ne disparaissent pas d’un trait de plume, surtout en l’absence d’un plan de justice réparatrice cohérent », souligne le successeur de Nana Akufo-Addo. Une minorité de Sud-Africains — les Blancs — possèdent encore la majorité des richesses. Certains lieux, comme la localité d’Orania, sont encore organisés uniquement autour de la communauté afrikaner, souligne-t-il.

« Si les Sud-Africains noirs avaient voulu se venger des Afrikaners, ils l’auraient certainement fait il y a des décennies, alors que la douleur de leur passé était encore vive dans leur esprit. Que gagnerait-on, à ce stade, à tuer et à persécuter sauvagement des personnes auxquelles on avait pardonné depuis longtemps ? »

Pour le président ghanéen, le plus important reste de préserver la mémoire de ces événements : « Tant que ces histoires seront racontées, à la maison, à l’église, chez le coiffeur […] alors nous, fils et filles d’Afrique, continuerons de savoir à quoi nous avons survécu et qui nous sommes. »


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