L’ancien Premier ministre et opposant Amadou Ba a pris part ce mardi à l’ouverture du Dialogue national, une initiative politique censée décrisper le climat sociopolitique du pays. Dans un discours empreint de gravité et de responsabilité, il a salué l’initiative tout en appelant à des réformes structurelles dans plusieurs secteurs clés.
« Permettez-moi de saluer, d’emblée, l’initiative de ce Dialogue national. Malgré les turbulences, elle est un geste d’ouverture à magnifier », a-t-il déclaré en introduction. Affirmant représenter une opposition « républicaine », Amadou Ba a précisé que sa participation n’était nullement le fruit d’une naïveté politique, mais bien d’un engagement constant envers les principes démocratiques. « Nous y prenons part, non par naïveté, mais par fidélité à nos principes, par foi en l’avenir, et par amour pour notre patrie. »
Reconnaissant la tension politique actuelle, marquée notamment par des arrestations et des restrictions des libertés, l’ancien chef de gouvernement a insisté sur l’urgence du dialogue. « Oui, le climat est tendu. Oui, les arrestations, les restrictions des libertés interpellent. Mais justement : plus le contexte est difficile, plus le dialogue devient une nécessité. »
Le discours de M. Ba s’est articulé autour de trois axes principaux : les libertés publiques, le système électoral, et la refonte des institutions. Sur le premier axe, il a dénoncé les atteintes aux droits fondamentaux : « Que vaut une démocratie où l’on arrête les opposants sans ménagement ? Où des journalistes, des chroniqueurs sont convoqués, parfois détenus, pour avoir fait leur travail ? »
Il a ainsi proposé « un pacte national de pacification politique, fondé sur la libération des détenus politiques, l’indépendance des médias, et des procédures judiciaires perçues comme justes et impartiales ».
Sur le plan électoral, Amadou Ba a plaidé pour un renforcement de la Commission électorale nationale autonome (CENA) et la reconnaissance du statut du chef de l’opposition. Concernant l’inscription automatique des jeunes majeurs, il a exprimé sa réserve : « Nous estimons qu’une telle réforme, aux implications profondes, doit faire l’objet d’un consensus fort. »
Le troisième axe, plus technique, concerne la réforme institutionnelle. Pour lui, « il est temps de rendre nos institutions plus légitimes », en passant notamment par une dose de proportionnelle dans l’élection des députés, ou l’introduction d’un second tour. Il a aussi pointé du doigt la composition de la Haute Cour de Justice, « aujourd’hui alignée sur la majorité parlementaire », et qui, selon lui, « ne garantit pas l’impartialité attendue ».
Au-delà des enjeux politiques, Amadou Ba a placé la situation économique au cœur de ses préoccupations. « Le Sénégal fait actuellement face à des pertes d’emplois, à une dette croissante et à une situation budgétaire préoccupante », a-t-il alerté. À cet égard, il a appelé à la mise en œuvre d’un « nouveau référentiel stratégique de l’action publique », à un « Pacte national pour l’emploi productif » et à une réforme budgétaire « urgente », estimant que « la souveraineté nationale » en dépend.
L’ancien Premier ministre a aussi souligné que ces réformes n’auraient d’effet que dans un climat d’apaisement. « Aucun levier de relance ne fonctionnera dans un climat d’instabilité politique et sociale, au surplus dans un environnement international instable. »
Amadou Ba a fini son intervention en abordant la question cruciale de la reddition des comptes, évoquant les audits récents et les pratiques passées. « À chaque alternance, les mêmes scandales, les mêmes sanctions, puis l’oubli. Et on recommence. » Il a ainsi appelé à « engager des réformes pour mieux protéger le patrimoine de l’État, au-delà des régimes et des contingences politiques ».
En guise de clôture, il a exprimé un vœu : « Je rêve d’un Sénégal où l’opposition est écoutée, pas écartée. Où le débat est loyal, pas agressif. Où la critique est utile, pas criminalisée. »