La commission des lois de l’Assemblée nationale s’est penchée sur le projet de résolution portant mise en accusation devant la Haute Cour de Justice de l’ancienne ministre des Mines, Sophie Gladima, au regard des éléments de l’enquête et de l’exploitation du rapport de la Cour des Comptes concernant les fonds Covid-19, et plus spécifiquement l’érection d’un centre gravimétrique à Kédougou destiné aux orpailleurs impactés par la pandémie.
L’enquête confiée à la DIC a révélé plusieurs irrégularités. Il ressort du rapport que l’ancien Directeur de l’Administration générale et de l’Equipement (DAGE), Alassane Diallo, a versé, sur instruction de la ministre Aïssatou Sophie Gladima, la somme de 73 200 000 FCFA à la Société Commerciale du Groupe ISSA (SCGI) pour les travaux de construction de l’unité de traitement gravimétrique de Kédougou. Or, au moment du paiement, les travaux n’avaient pas débuté, ce qui constitue un paiement avant la réalisation des services, en violation de l’article 89 du Règlement général de la Comptabilité publique (RGCP).
L’enquête a également établi que le marché avait été attribué à la SCGI, qui avait acquis du matériel pour un montant de 119 870 000 FCFA en attendant la disponibilité du site pour la construction de l’ouvrage, dont le coût était de 73 200 000 FCFA. L’ancien DAGE, Alassane Diallo, a reconnu que la procédure de paiement, validée par la ministre, avait été effectuée en violation de la réglementation qui exige le paiement après service fait.
Auditionné, Ibrahima Issa, représentant de la SCGI, a affirmé que son entreprise avait exécuté la première phase du marché, concernant l’acquisition du matériel pour 119 870 000 FCFA. Concernant la seconde phase, il a déclaré avoir reçu une avance de démarrage et attendait la mise à disposition du site pour l’unité de traitement. Il apparaît qu’Alassane Diallo, en accord avec sa hiérarchie, avait décidé de verser le solde sans attendre le début des travaux.
Ibrahima Issa a reconnu avoir encaissé de « bonne foi » les 73 200 000 FCFA sans que le service ait été rendu, tout en se disant disposé à rembourser cette somme. Il a produit un procès-verbal de constat d’huissier daté du 14 avril 2023, attestant de la présence du matériel destiné à la construction du centre, entreposé à son domicile et au siège de sa société à Dakar.
L’enquête a par ailleurs révélé une transaction informelle concernant le paiement du matériel (80 000 000 FCFA). Au lieu d’un virement international, les fonds ont été remis à un opérateur de transfert des Allées Papa Guèye Fall, qui a ensuite fait remettre une somme équivalente en Chine au fournisseur. Les enquêteurs ont noté que les déclarations d’Ibrahima Issa, selon lesquelles il attendait en vain la mise à disposition du site par la ministre, ne tiennent pas compte du fait qu’il a accepté de recevoir ultérieurement 73 000 000 FCFA pour la finalisation d’un projet qui n’avait pas encore commencé.
La commission des lois a conclu que « les faits ci-dessus révélés laissent apparaître des indices et présomptions graves et concordants d’association de malfaiteurs, de détournements de deniers publics, d’escroquerie portant sur les deniers publics, de blanchiment de capitaux et de complicité de ces chefs contre Aissatou Sophie Gladima, ancien ministre des Mines et de la Géologie pour un préjudice évalué provisoirement à la somme de 193 070 000 FCFA ».
La commission a également noté que ces faits sont relatifs à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive, en référence à la loi n° 2023-10 du 27 décembre 2023 abrogeant et remplaçant la loi n° 2018-03 du 23 février 2018 sur ces mêmes thématiques.