La découverte récente de gisements significatifs de pétrole et de gaz place le Sénégal à un tournant décisif de son développement économique. Bien que ces ressources offrent des perspectives de croissance substantielles, elles soulèvent également une interrogation fondamentale : le pays saura-t-il éviter la « malédiction des ressources » ? Ce concept, introduit par l’économiste britannique Richard Auty en 1993 et popularisé par Sachs et Warner en 1995, désigne le paradoxe selon lequel les nations riches en ressources naturelles tendent à connaître un développement économique et social plus faible que celles disposant de moindres ressources ou qui sont dépourvues de ressources naturelles. Cette situation, marquée par une stagnation économique, une corruption accrue et une instabilité politique, a déjà affecté de nombreux pays africains. Face à cette opportunité historique, le Sénégal devra adopter une gouvernance rigoureuse et prudente, des investissements stratégiques et une transparence accrue afin de transformer cette manne en un moteur de prospérité durable, plutôt qu’en une source de tensions et de désillusions. Cette analyse examinera tout d’abord les facteurs à l’origine de la malédiction des ressources, puis présentera des stratégies permettant d’enrayer ce phénomène, avant de mettre en avant des modèles de pays ayant su surmonter ce défi.
Facteurs sous-jacents de la malédiction des ressources
Les mécanismes à l’origine de la malédiction des ressources peuvent être regroupés en deux principales catégories:
Facteurs économiques
Dans ce bloc, on retrouve d’abord la volatilité des prix des matières premières. Cette volatilité renvoie à l’idée selon laquelle les ressources naturelles sont soumises à d’importantes fluctuations de prix, entraînant une instabilité budgétaire et une incertitude pour les investissements à long terme. La volatilé des prix peut également engendrer des déficits budgétaires majeurs dans le cas de la baisse des prix des ressources. Plus précisément, lorsque les prix chutent, les entreprises du secteur réduisent leur production, diminuant ainsi les revenus fiscaux. Aussi, faudrait-il noter que les États producteurs de ressources naturelles ont souvent des budgets basés sur des prix prévisionnels élevés. En cas de chute brutale des prix, ces États pourraient avoir de la peine à financer leurs dépenses courantes (salaires, infrastructures, services publics). Ensuite, il y a le facteur « rente et faible diversification économique ». Ce facteur stipule que l’abondance de ressources naturelles incite souvent les gouvernements à dépendre excessivement des revenus d’exportation, limitant ainsi la diversification économique et accentuant la vulnérabilité en cas de baisse des prix. Enfin, il y a le facteur « redistribution des rentes». Certains dirigeants ont tendance à allouer la rente extractive à des groupes influents afin de consolider leur pouvoir, exacerbant ainsi les inégalités économiques et sociales.