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​Sénégal, un drame et des défis qui interpellent (Par ​Ibra Fall)

​Sénégal, un drame et des défis qui interpellent (Par ​Ibra Fall)

Aussi dense que soit la charge mémorielle de ce drame qui frappe notre nation, aussi sinistre que soient ces scènes de violences, aussi kaléidoscopique que soit le nombre de victime, l’unique subterfuge qui se présente à nous, pour tourner ces pages sombres de l’histoire de la formation de notre État, consiste à questionner, sans état d’âme aucun, notre rapport à la vérité, la vraie vérité.

Seule la vérité, cette réelle vérité nous aidera à remodeler notre fausse et simpliste perception postulant un Sénégal de paix, une exceptionnalité sénégalaise, un faux Sénégal de terangua, qui ne résiste à aucune observation sérieuse. Je veux dire objective.  
 
La question nullement secondaire à laquelle nous devons nous poser est la suivante :  de quelle paix avons-nous coutume de parler au Sénégal ? De cette paix négative qui met en sacrifice, à chaque fois qu’une lueur d’espoir perce dans les lumières de nos perrons politiques, des générations entières (Mamadou Dia, Omar Blondin Diop, Ousaman Sonko aujourd’hui) !  De cette paix mortifère légitimant les formes de violences les plus infernales et les plus criminelles envers les catégories sociales chambrant dans la fragilité !

De cette paix violente, qui sous le couvert du manteau de la religion, de l’intelligence et d’une prétendue ancienneté politique, accule toute une jeunesse dans la colonne de l’indécence ! De cette paix monstrueuse, balisant la voix, aux ‘’autorisées’’ les plus déméritantes, à toute sorte de domination, aussi indigne soit-elle, sur les populations ! Cette paix n’est pas durable, parce que dépourvue de légitimité religieuse. Elle n’est pas structurelle, parce que construite en marge de toute assise véridique. C’est une paix négative, parce que fondée sur des mensonges officieusement et officiellement cuisinés, par des figures socio-politiques, dont le braquet et la bouche priment sur tout. Il est d’une urgence absolue d’évacuer notre pays de cette typologie de paix dont la dangerosité se mesure aussi dans sa capacité à bloquer l’embryon de la dignité du « sénégalais », du plus lambda au plus bêta.

C’est une paix qui stérilise nos efforts citoyens et nationaux, parce que coïnce notre pays dans une situation de ni-guerre ni paix, où la violence physique peut éclater à tout moment. Elle n’est en réalité qu’une plateforme, un logiciel de violence, aussi silencieuse ou invisible, soit-elle.  C’est une paix impuissante et prédatrice, qui ne regorge aucun remède face aux « corps malades » de notre société. Nous l’avons opté en raison de la facilité de l’atteindre via le fameux ‘’Maslaa sénégalais’’. Sans prise en compte aucune des risques qui la jonchent. 
 
Sénégalais de tout bord, disons vraie, parlons vérité, nous nous sommes pendant longtemps mentis sur ce qu’est la paix. Réduisant ce concept, à une simple absence de violence physique. Or, quoi de plus violent que d’utiliser les précieux biens de l’État (police, gendarmerie, armée, justice), pour assassiner des espoirs. Quoi de plus violent que de détourner les mécanismes institutionnels de la République, dont le point de mire s’inclinait à améliorer le quotidien commun des Sénégalais, pour alimenter une clientèle politique !

Quoi de plus violent que d’utiliser la lutte contre la corruption, les audits publics, pour anéantir des voix discordantes ! Quoi de plus violent que de s’arcbouter sur une cascade de loi détournée de leur but initial, et leur corollaire : introduction d’un paquet de délit pré-pensé, un « to do liste » antidémocratique : ( outrage à magistrat, diffusion de fausses nouvelles, tentative de jeter le discrédit sur des institutions) pour tuer les libertés et droits les plus primaires des citoyens, allant même jusqu’à concocter la mort civile, sinon morale, d’honnête et intègre citoyen, à qui la République devrait honorer ! Lesquelles lois ont été pourtant mises en place, au demeurant des principes républicains et démocratiques, dans la visée de faire grandir cette nation, ce peuple dont la seule réclame aujourd’hui est la liberté de choisir ses propres dirigeants, de vivre libre, digne.

Quoi de plus violent que ce fréquent déni du droit auquel nous assistons lorsqu’il s’agit des dossiers concernant Sonko. Avons-nous oublié que le droit en sus d’être un moyen pour modeler les comportements, en dépit de représenter un instrument pour organiser le pouvoir contre ses abus éventuels, constitue aussi un outil de contestation. Lequel outil de contestation s’est servi Ousmane Sonko dans sa désobéissance civique. Aux aveugles haineux risquant le suicide, je leur suggère de regarder, et notre constitution et le protocole de l’Union africaine de 2001 sur la démocratie et la bonne gouvernance. Point de vie humaine possible dans cette planète à l’ombre de la légitime défense, en marge du droit de résister à toute forme d’oppression, aussi puissant que soit l’oppresseur.
 
Les défis s’imposant à notre pays aujourd’hui sont pléthoriques. Mais les plus puissants sont notre rapport à la vérité ‘’qui dicte’’ notre perception de la paix ‘’qui conditionne’’ la mise en scène de nos désaccords. Ces défis, réciproquement, se conditionnent les uns les autres. Germer dans chaque sénégalais, l’obsession d’atteindre la vérité, et de la défendre à tout prix, est le seul garant de la paix, en tout cas de la meilleur des paix : la paix positive, cette paix durable. Grace à cette paix durable, le troisième défi sera relevé sans contrainte, celui qui consiste à harmoniser nos contradictions. Ayons la vaillance de le dire : mettre en scène nos bisbilles politiques, nos contradictions idéelles, tel est aujourd’hui le point faible le plus manifeste sur lequel notre démocratie ne cesse d’exprimer son immaturité.

Au-delà du pouvoir du démos qu’elle pointe à exalter, la démocratie c’est aussi l’organisation de nos désaccords. Point de cohésion sociale, point de vie commune, sans cette institution de nos contradictions, de nos différences. Aucun issu n’est possible sans cette internalisation de la beauté de la différence. L’éthique de la différence doit fonder nos divergences comme l’ont si bien enseigné les textes religieux.
 
L’idée de réduire l’opposition à sa plus simple expression ne peut rentrer dans la catégorie de pensée de cette éthique du désaccord. Elle est uniquement antidémocratique, antirépublicaine, et même antinomique aux textes sacrés. Surtout si nous savons que l’auteur de cette théorie, se sert de mécanismes non conventionnels pour faire valoir sa conviction qui lui est primitive, et si chère.
 
Il faut le dire, la volonté de réduire l’opposition à sa plus simple expression, quoiqu’il en coûte, a toujours constitué une passion pour le président Macky Sall. Passion qu’il a fini par ériger en projet politique. Ainsi je le dis, sans couardise aucune, sans partialité quelconque, la condamnation de O Sonko, n’est que le mince revêtement politico-judiciaire de cette conviction, démocratiquement criminelle, du président.
 
 
 
Par Ibra Faye


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