Après le témoignage d’une élue d’Aix-en-Provence la semaine dernière sur les réseaux sociaux, «Mediapart» publie les accusations de plusieurs femmes ayant croisé le chemin du polémiste, notamment à CNews ou I-Télé.
«Il m’a demandé de le remercier autrement, s’est penché et m’a embrassé [e]. Il a mis sa langue et tout ! Je l’ai repoussé encore mais pas assez franchement. Quand nous sommes sortis du café, il m’a réembrassée et je me suis laissée faire. […] Quel goujat ! C’est incroyable d’être comme ça. Pour qui se prend-il ? […] Moi, je me dégoûte, je me trouve trop débile d’avoir cédé à ses avances. […] J’étais paniquée quand je suis rentrée.» C’est dans son journal intime qu’Anne* raconte les détails de sa rencontre avec ce «super journaliste» dans un café parisien. Révélé par Mediapart, ce témoignage s’ajoute aux souvenirs douloureux de plusieurs femmes, journalistes ou évoluant dans des rédactions, ayant côtoyé Eric Zemmour.
«J’étais tétanisée»
Après la publication de la militante socialiste Gaëlle Lenfant sur les réseaux sociaux, accusant le polémiste de l’avoir agressée sexuellement il y a une quinzaine d’années lors des universités d’été du PS, de nouveaux témoignages viennent raconter les baisers forcés, les gestes déplacés et les propositions à connotation sexuelle du journaliste de 62 ans à qui certains prêtent un destin présidentiel. Aurore Van Opstal, journaliste, raconte ainsi comment elle a sollicité le polémiste début 2019 pour faire une «surprise» à son père, un ouvrier de Charleroi (Belgique) né les mêmes jour et année qu’Eric Zemmour, et adorant «la télé, les gens médiatiques». Comment Eric Zemmour a accepté et suggéré «un café tous les trois, après le déjeuner, vers le Figaro».
Comment, enfin, Eric Zemmour lui aurait «caressé le genou avec sa main», sous la table, serait «remonté jusque l’entrejambe», «tout en parlant à [son] père», assis en face, sur la banquette. «Il a fait comme ça deux allers-retours. J’étais tétanisée, sous le choc, je ne comprenais pas ce qu’il se passait, je le connaissais depuis trois minutes. Il avait 60 ans, j’en avais 29», explique-t-elle à Mediapart. D’après la journaliste, il l’aurait «regardée», en lui disant «discrètement “je peux”» et il aurait «continué à [la] caresser en répondant à [son] père». «Le “je peux” est arrivé beaucoup trop tard et de toute façon je n’ai rien su dire», assure Aurore Van Opstal.
«Mais tu ne comprends pas que j’ai envie de baiser avec toi»
Le comportement d’Eric Zemmour est aussi questionné dans plusieurs rédactions dans lesquelles il évolue. Au Figaro par exemple, où les «jeunes femmes» se méfiaient de lui, selon Mediapart. Ou à CNews, lors du premier jour de l’émission «Face à l’info» à l’issue duquel l’éditorialiste a adressé un SMS à la cheffe d’édition, qu’il ne connaissait pas. «Zemmour l’appelait “ma belle” et lui demandait en substance qu’elle ajuste sa cravate le lendemain», raconte un journaliste qui précise que l’intéressée le vit alors «extrêmement mal». «Employer ces termes, c’était ambigu et totalement déplacé», indique ce salarié à Mediapart. «Elle ne connaissait pas Zemmour, c’était son premier jour à bosser avec lui, et le contexte était déjà très rude. Il y avait déjà une appréhension à travailler avec lui, encore plus après cet échange», poursuit-il. Une maquilleuse, 26 ans alors, se souvient aussi s’être retrouvée seule en loge avec le journaliste. D’après son récit, après le maquillage, il se serait levé, l’aurait «plaquée contre le mur», «une main sur [son] bras et l’autre au-dessus du sein, près de l’aisselle», et lui aurait dit : «Mais tu comprends pas que j’ai envie de baiser avec toi.» Il lui aurait alors «sorti sa carte de visite» en ajoutant : «Appelle-moi, il faut qu’on se voie, je peux te faire bosser.» «J’ai été tellement surprise que je ne l’ai même pas giflé ou insulté, je l’ai juste repoussé en disant : “Non mais ça va pas”. Il a bien vu sur mon visage que je ne m’attendais pas à ça. Il n’a pas du tout insisté», affirme-t-elle.
Jusqu’à l’époque d’I-Télé, où une ancienne hôtesse d’accueil se souvient d’un geste pour lequel elle juge qu’Eric Zemmour «est allé trop loin». En arrivant, au début des années 2010, dans le sas des locaux de Montparnasse, il lui aurait fait «une sorte d’accolade» et il lui aurait «passé sa main sur [les] fesses», assure la jeune femme, qui a beaucoup hésité avant de témoigner, indique Mediapart. Mais, persuadé qu’elle aurait été déplacée de site, difficile à l’époque de se plaindre à sa hiérarchie. Elle craignait aussi que l’affaire s’ébruite – «on en aurait fait un sujet de blague, ça aurait été dégradant», raconte-t-elle. Et puis, souffle-t-elle : «J’avais tellement honte. Et je me sentais coupable. Parce qu’avant, j’ai parlé et même ri avec lui.»
Contacté par Mediapart, Eric Zemmour n’a pas souhaité répondre aux questions du journal d’investigation en ligne.
MSN