C’est le penseur palestino-américain, Edward Saïd, qui, dans une remarquable critique de l’œuvre littéraire d’Albert Camus, parle de l’inconscient colonial, pour qualifier l’auteur, après une analyse fine de sa production littéraire ; disons un colonialiste qui s’ignore ou feignant de ne pas l’être.
Pour le bénéfice de cette analyse, nous emprunterons à Saïd ses mots, pour tenter de comprendre globalement ce que les deux scientifiques français ont dit dans les médias de l’Afrique, en parlant d’essais vaccinaux. Signalons tout de même, avant d’avancer dans notre propos que les scientifiques Jean Paul Mira, chef du service de réanimation à l’hôpital Cochin de Paris, et Camille Locht, directeur de recherche à l’Inserm, qui avaient proposé une étude du vaccin Bcg, en Afrique, ont finalement présenté leurs excuses à tous ceux et celles qui ont été heurtés et meurtris par leurs propos tenus sur le plateau de La chaîne continue d’information (LCI) appartenant au groupe TF1.
Qu’est ce que ces deux scientifiques ont réellement dit et qui justifie le courroux de tous les êtres dotés de raison ? Afin que nul n’en ignore, on cite leurs propos :« Est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation ? » l’interroge Jean-Paul Mira. Le médecin se risque ensuite à une comparaison hasardeuse : « Un peu comme c’est fait d’ailleurs pour certaines études sur le sida. Chez les prostituées, on essaye des choses parce qu’on sait qu’elles sont hautement exposées et qu’elles ne se protègent pas. » « Vous avez raison, on est d’ailleurs en train de réfléchir à une étude en parallèle en Afrique », lui répond alors Camille Locht. Bien sûr que oui, pour les excuses !
Mais nous aurions souhaité que de telles paroles ne puissent jamais être prononcées, car ces excuses ne pourront jamais effacer les effets de cette bêtise humaine du reste inexcusable. Cette bêtise, dis-je, n’a pas encore fini de charger les cœurs de profondes et douloureuses marques de blessures. Ayant suivi sur la chaîne de télévision les propos des deux scientifiques parlant d’essais probables d’un vaccin contre le Covid 19 (le BCG) en Afrique, j’ai été choqué, comme beaucoup de citoyens africains.
Traumatisé même, tant la désinvolture et le mépris affichés pour la vie des Africains, marqueurs d’un racisme qui s’ignore certainement, ont été caractéristiques de leurs interventions. En considérant le niveau d’études des personnes en cause et les fonctions qu’elles occupent, la révolte n’en était que davantage plus intense. En prenant cependant un peu de recul, je me suis surpris à vouloir leur trouver quelques excuses pour leur indélicatesse.
Sans les absoudre, j’ai été enclin à relativiser cette bêtise que je pense congénitale, car elle est produit d’une histoire coloniale aux séquelles dévastatrices. Ces séquelles sont, en effet, la conséquence d’une sinistre trajectoire historique bâtie autour d’un complexe séculaire de supériorité de race et de civilisation.
Malheureusement, c’est presque partout ainsi en Occident, dans le rapport défini ou à définir avec les populations anciennement colonisées.
Au gré de mes infiltrations dans les réseaux sociaux, ce dimanche 5 avril 2020, je suis tombé sur un tweet largement partagé et dont l’auteur est identifié comme étant un capitaine des services sanitaires espagnols qui, face au drame que vit son pays, a pu écrire : « je n’aurai jamais imaginé ce scénario en Espagne, mais plutôt en Afrique ». Malheureusement, hélas pour lui, cela se passe bien chez lui, en Espagne. Pour en revenir aux scientifiques français, j’ai cherché à apaiser un peu la colère qui m’a envahi au moment où j’écoutais leurs interventions sur l’antenne de LCI.
A un moment, je me suis dit, heureusement que ces chercheurs n’ont pas de fonctions politiques majeures qui pourraient s’avérer décisives pour assouvir le dessein nourri. Je n’ai pas cependant manqué de m’interroger, quand j’ai lu le vendredi 3 avril 2020, dans le journal Sud quotidien, un article dévoilant e…