Icône de la caricature au Sénégal, Omar Diakité, plus connu sous la signature de « Odia » ne cesse d’épater son monde avec son inspiration à la fois poétique et mordante. Celle-ci égaie les chaumières autant qu’elle secoue les consciences. Mais, derrière ce génie du pinceau se cache un homme aux multiples facettes.
Un pinceau, une feuille vierge et Odia charpente le monde. Informer en faisant rire, c’est son dada. Cette âme inspirée égaie autant qu’elle mobilise les consciences. Omar Diakité, de son vrai nom, est un condensé de génie, de subtilité, d’inspiration à la fois sublime et vagabonde. Et il est d’une vaste culture… Ce qui éblouit le plus chez cet homme, la cinquantaine sonnée, c’est sans doute sa capacité à rendre l’actualité délicieuse et accessible. Une griffe corrosive et subtile à la fois, qui traque l’actualité avec le talent d’un éditorialiste. « La seule chose dont je ne peux pas me passer, c’est la lecture ». Enfin, on lui arrache son secret !
Il est, en effet, convaincu que le caricaturiste est un mélange de plusieurs sensibilités. Il est d’abord journaliste. Car, il donne de l’information. Il est ensuite artiste parce qu’il dessine le scénario. Et enfin un humoriste, parce qu’il doit rendre l’information drôle. Casquette soigneusement vissée sur le chef, il trimballe ses lunettes qui grossissent le moindre trait d’actu et ne le quittent jamais depuis ses 20 piges. C’est d’ailleurs à cause d’une vision très tôt dégradée qu’Odia n’a pas fait carrière dans le football. Tant mieux, diront ses admirateurs. « Je n’ai pas eu la chance d’intégrer un club professionnel, mais j’avais quand même du talent », confie-t-il. Presque la seule fois qu’il se reconnaît un génie.
Même si beaucoup le considèrent comme l’un des meilleurs caricaturistes que le Sénégal ait connus, ce passionné de guitare basse et de batterie est un modèle d’humilité. Il parle difficilement de lui. Ce sont ceux qui l’ont côtoyé qui le font avec plus d’aisance. Le journaliste, Pape Samba Kane, a beaucoup travaillé avec lui. Quand il parle de vieux compagnon de la presse satirique, il est presque dithyrambique : « Odia est un génie. J’ai connu beaucoup de caricaturistes talentueux, mais lui, il est unique dans son genre, intelligent, généreux, poli, plein d’humilité…Malgré la férocité de ses caricatures, il ne verse jamais dans l’invective », lâche-t-il à l’endroit de cet artiste jamais rassasié.
Orphelin total à 15 ans
Souriant, il inspire profondément, de temps à autre, tel quelqu’un qui souffre d’allergies respiratoires. Ses yeux, rivés sur une feuille blanche, scrutent le plafond de son salon au décor sobre. Il ne fixe presque jamais son interlocuteur. Derrière cette timidité apparente, se cache un homme heureux, proche de ses enfants. « Je ne me plains pas », soutient-il. Pour lui, le plus important, ce n’est pas d’être très riche, mais d’être plutôt équilibré. Et cet équilibre, il le doit en grande partie à son frère aîné et mentor, Abal Khassim Diakité. Il l’a couvé au moment où le frêle Odia en avait le plus besoin. Dès l’âge de 4 ans, en effet, il perd sa maman et, 11 ans plus tard, son père décède. C’est là que son frère le prend sous son aile protectrice. « Je n’ai jamais manqué de rien », dit-il, reconnaissant.
Épanoui, le jeune Odia dessine sur tous les supports possibles. « Le dessin a toujours été une passion. Au plus profond de mes souvenirs, j’ai toujours dessiné. Je gribouillais les murs de Dakar Plateau à l’aide de charbon de bois. A l’école aussi, j’étais le dessinateur attitré des élèves. Il en a été ainsi jusqu’au collège Médina », se rappelle-t-il. Cet amour pour le dessin, Odia l’a un peu hérité de son frère aîné. Ce dernier n’en avait pas fait pour autant une vocation. Odia se souvient encore des journaux que son ainé amenait à la maison le soir. « Je m’en inspirais. Mais il n’a jamais voulu que je devienne dessinateur », se souvient-il.
Casanier et un tantinet conservateur
Pour son grand frère, il était hors de question qu’un jeune aussi brillant opte pour une carrière de dessinateur. Mais une fois le Bfem en poche, Odia ne rate pas la seule et unique occasion de faire ce qu’il aime. Il le reconnaît lui-même. « Si je n’avais pas réussi le concours d’entrée à l’École nationale des Beaux-arts, c’était mort pour ma carrière de dessinateur. J’allais peut-être devenir avocat». Et le Sénégal serait passé à côté d’un génie. C’est la victoire de la passion. « Qui dure dans une parfumerie en ressort avec une odeur », dit-on. Odia en est une illustration achevée. Trois décennies passées dans la presse ont fini par faire de lui une icône des médias. Le virus a envahi la famille. Son fils vient d’être admis au concours d’entrée au Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti). Bo…