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ENTRETIEN / Matteo Puxton, spécialiste de la propagande militaire de Daesh : « L’Etat Islamique a vu une partie de son avenir sur le continent africain »

ENTRETIEN / Matteo Puxton, spécialiste de la propagande militaire de Daesh : « L’Etat Islamique a vu une partie de son avenir sur le continent africain »

Le chef de l’organisation Etat islamique a été tué par les Etats-Unis, fin octobre. L’opération est une réussite pour la première puissance mondiale. Mais, le groupe terroriste n’a pas mis beaucoup de temps pour trouver un successeur à Abou Bakr al Baghadi qui aura été le chef d’orchestre d’une violence inouïe dans une bonne partie de la planète. Cette capacité de résilience du groupe terroriste le plus meurtrier de ces dernières années intrigue au plus haut point. Dans un entretien avec Dakaractu, Matteo Puxton, plus connu sous son pseudonyme Histocoblog sur twitter, explique les contours de cette stratégie. Dans la même logique, le spécialiste et analyste de la propagande militaire de l’Etat islamique décrypte l’enchaînement d’allégeances au nouvel « émir » du califat autoproclamé et met un accent particulier sur la priorité donnée aux provinces, hors Irak et Syrie, d’être les premières à reconnaître Abou Ibrahim al Hachemi al Quraychi. Un choix qui n’est pas fortuit comme le redéploiement de l’organisation terroriste en Afrique. Selon Matteo Puxton, l’Ei voit une partie de son avenir sur le continent noir.

DAKARACTU : La mort d’Abou Bakr al Baghdadi ne semble pas avoir enrayé la machine Etat islamique. La preuve, son successeur désigné fait l’objet de renouvellements d’allégeance de presque toutes les provinces de l’organisation jihadiste. Peut-on parler d’échec des États-Unis ?

Matteo Puxton : Plutôt qu’un échec, je parlerai d’une limite de l’action conduite par les Etats-Unis. La mort d’Abou Bakr al-Baghdadi est un succès symbolique plus que stratégique. La lutte contre al-Qaïda précédemment nous le montre bien : Ben Laden est mort en 2011 et son organisation est pourtant loin d’avoir disparu avec son décès. Le président Trump avait aussi besoin d’un succès symbolique pour aborder la prochaine élection présidentielle et conforter le retrait américain : il y a donc des enjeux de politique intérieure. Sur le fond, la mort de Baghdadi n’impacte pas la structure de l’organisation, qui peut fonctionner sans lui : il n’a fallu que 4 jours pour lui désigner un successeur (Abou Ibrahim al Hachemi al Quraychi) et pour nommer aussi un nouveau porte-parole, Abou al-Hassan al-Muhajir ayant été tué juste après Abou Bakr al-Baghdadi… De fait, l’EI avait préparé de longue date son passage à l’insurrection complète en Irak et en Syrie, comme on l’a constaté dès le début de 2018. Sa propagande a également été organisée pour continuer à diffuser après la perte du territoire. L’EI a développé les branches en dehors de la Syrie et de l’Irak pour conserver un atout supplémentaire après la fin du califat en Syrie et en Irak.

Pour vous, pourquoi les premières allégeances à Abou Ibrahim al Hachemi al Quraschi ont été faites en dehors de la Syrie et de l’Irak où l’organisation terroriste a vu le jour ?

Là encore je pense que c’est très symbolique. L’EI veut envoyer un message : la mort d’Abou Bakr al-Baghdadi ne change rien au contrôle que l’appareil central de l’organisation exerce sur les branches extérieures. Le Sinaï, qui a fourni le premier reportage photo d’allégeance au nouveau chef, est ainsi l’une des branches les mieux reliées à la propagande à laquelle il a fourni plusieurs vidéos longues et de nombreuses autres images cette année. Le Bangladesh, 2ème dans l’ordre, avait eu droit à une vidéo dans la série des vidéos de renouvellement ou d’allégeance à Abou Bakr al-Baghdadi au mois d’août, la première du genre dans ce pays. Ces photos confirment donc la connexion entre l’appareil central et des partisans au Bangladesh. La Somalie, en 3ème position, a été reconnue officiellement comme province par l’EI à l’été 2018 au moment où le groupe supprimait les provinces en Syrie et en Irak pour ne garder que 2 provinces à ces noms. De manière générale, le contrôle de l’appareil central sur ses branches hors Levant s’est renforcé depuis 2016, en prévision justement de la fin territoriale. I…


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