Réalisatrice du court métrage « Une place dans l’avion », primé dans plusieurs festivals de cinéma à travers le monde, Khadidiatou Sow est également costumière et peintre de talent. Cette Dakaroise vit pleinement sa passion pour les arts et ne se fixe pas de limites pour réaliser ses rêves d’enfant. Rencontre avec une artiste polyvalente.
En plein tournage de la saison 3 de la série télévisée « C’est la vie », il faut patienter pour gagner quelques minutes de conversation avec elle. Khadidiatou Sow arrive toute souriante et désolée de la petite attente. Chevelure finement tressée, pantalon jean et chemise assortis de chaussures baskets de couleur blanche font le look de l’artiste ce matin. Costumière de film, elle ne semble pas s’attarder aux apparences. En ce moment, elle est coréalisatrice de cette série africaine qui évoque le quotidien des centres de santé africains dont la saison 3 est tournée dans le chantier d’une clinique sur la corniche de Dakar.
Trouvée sur le plateau, Khadidiatou est dans l’action et vit pleinement sa passion pour l’art.
Une passion multiple, car la jeune femme est aussi bien peintre, costumière et réalisatrice. Plusieurs cordes donc à son arc. On se demande alors d’où cette Dakaroise tient cette énergie et passion débordante pour les arts. « J’aimais l’art, dessiner et imaginer tout le temps. Alors, après la classe de brevet, j’ai dit à ma mère que je voulais aller aux Beaux-Arts. Mais, elle m’a demandé de continuer l’enseignement général au collège. Seulement, à force de lui dire mon envie d’aller suivre des études en art et même d’en pleurer, elle m’a autorisée à prendre des renseignements sur les modalités d’entrer aux Beaux-Arts… », se rappelle-t-elle. C’est donc, encouragée par sa maman que Khadidiatou Sow suivra sa passion et va nourrir son âme d’artiste en allant s’inscrire aux Beaux-Arts de Dakar.
Et déjà élève peintre, de 1998 à 2002, elle participe à ses premières expositions collectives à Dakar. Ses œuvres marquent l’esprit des férus d’arts plastiques et sont exposées et bien vendues aux côtés de celles de grands noms de peintres sénégalais. De quoi contenter un artiste qui ne demande qu’à bien vivre de sa création. Que non ! Khadidiatou va un peu « délaisser » la peinture pour lorgner du côté du cinéma.
« J’avais mon autre passion, la mise en scène et le cinéma qui a pris le dessus sur la peinture. Etant jeune, j’aimais regarder les films, et j’avais souvent envie d’être sur un plateau de cinéma. C’était également un rêve. C’est Pape Mbodj, régisseur de cinéma et un cousin par alliance, qui m’a permis de le réaliser la première fois en me parlant d’une séance de tournage et j’y suis allée pour découvrir… », raconte la jeune femme. C’était en 2004. Et c’est parti pour le monde du septième art ! Khadidiatou Sow ne l’a plus quitté.
Avec son bagage d’artiste peintre, on lui a proposé, une semaine après, le rôle d’assistante maquilleuse sur le tournage d’un film à Saint-Louis, l’année suivante. « La maquilleuse principale voulait des pigments pour faire des masques sur le visage des acteurs qui interprétaient des rôles de guerriers dans le téléfilm « Capitaine des ténèbres » du réalisateur français Serge Moati. Ainsi, j’ai proposé mon savoir-faire et me voilà embauchée comme assistante maquilleuse dans le tournage », se souvient-elle, ravie de mettre davantage un pied dans le monde fascinant du cinéma. Sur le plateau, la jeune dame observe et apprend sur la réalisation et sur le jeu d’acteur.
C’est là qu’elle fera la connaissance de Gora Seck, acteur dans le film. Elle lui fait la confidence de vouloir devenir réalisateur. Ce dernier lui demande si elle s’y connait en écriture et lui refile l’adresse d’un test pour des ateliers de formation proposés à Saint-Louis, par Africadoc, un Réseau panafricain de réalisateurs de documentaires organisé par Ardèche Images. Cette expérience permet à Khadidiatou d’écrire son premier scénario de documentaire même si elle ne l’a encore jamais mis en boite. La passion allant, elle ira suivre ensuite une autre formation sur les techniques de réalisation du documentaire aux Ateliers Varan en France.
« En suivant toutes ces formations, j’ai voulu montrer à ma mère que j’ai arrêté de suivre l’enseignement général, mais je n’ai jamais cessé d’apprendre. Et en même temps, je faisais de la peinture, confectionnais des tenues. J’ai aussi pris des cours de stylisme aux ateliers de Oumou Sy à Dakar. … », souligne Khadidiatou Sow.
SUCCES DE «UNE PLACE DANS L’AVION»
La réalisatrice Nadine O. Boucher et son producteur Eric lui donnent une chance de tester ses connaissances en costumière dans un documentaire. Elle dessine une centaine de croquis et passe le test. C’est la première fois que la jeune femme devenait costumière et elle avoue qu’il faut savoir non seulement bien dessiner, créer des modèles, mais surtout être « super bien organisé » pour bien réussir ce poste dans un film. Elle suivra d’autres cours de perfectionnement en costumes et sera par la suite cheffe costumière sénégalaise dans le film « Yao » de Philippe Godeau et Omar Sy. Elle jouera également ce rôle de costumière dans bien d’autres films étrangers tournés au Sénégal.
Mais, durant tout ce moment, Khadidiatou Sow n’a cessé d’apprendre le scénario et d’écrire ses petites histoires. Elle tournera le court métrage « Canapé minable », toujours dans sa boite, avec l’appui de plusieurs amis dans le monde du septième art à Dakar, dont Alexandre Rideau, Arona Camara, Mamy Diallo, entre autres. Un jour, le producteur Oumar Sall de Cinékap lui passa un coup de fil pour annoncer l’agrément du financement par le Fopica du Ministère sénégalais de la Culture, de son documentaire « Une Place dans l’avion ». Un court métrage de seize minutes qu’elle avait écrit depuis, et dans lequel la réalisatrice dakaroise aborde avec humour l’épineuse question de l’émigration avec tous ses fantasmes et tares.
Tourné entre 2016 et 2017, « Une place dans l’avion » est présenté en compétition dans plusieurs festivals à travers le monde. Des distinctions et mentions en Côte d’Ivoire (8 prix au Clap Ivoire 2017), au Nigéria, au Cameroun, etc., récompenseront l’œuvre. Ces prix l’ont beaucoup marquée ; mais, Khadidiatou avoue que c’est le Poulain d’argent du court métrage gagné lors du dernier Fespaco de Ouagadougou, qui l’a rendue « beaucoup plus fière ». Elle a également reçu une médaille des Césars en France, un trophée d’Amaa au Nigéria…
Bien qu’encensée par la critique et les jurys de festivals, Khadidiatou Sow a toujours soif de connaissance, d’apprendre les techniques du cinéma. « J’apprends toujours… », confie-telle, convaincue. Pour les prochains défis, l’artiste dit avoir en tête plusieurs projets à réaliser. Sans doute, d’autres coups d’éclat encore…
Par Omar DIOUF
Lesoleil